Flux RSS

barrière à moutons

moutons du Verdon, 2017 © Éric Collias

"En déhanchant l’interaction pour nous associer à des non-humains, nous pouvons durer au-delà du temps présent, dans une autre matière que celle de notre corps et  interagir à distance, chose absolument impossible à un babouin ou à un chimpanzé. Simple berger, il suffit que je délègue à une barrière en bois la tâche de contenir mes moutons, pour que je puisse dormir avec mon chien. Qui agit pendant que je dors ? Moi, les charpentiers et la barrière. Me suis-je exprimé dans cette barrière comme si j'avais actualisé hors de moi une compétence que je possédais en puissance ? Pas le moins du monde. La barrière ne me ressemble aucunement. Elle n'est pas l’extension de mes bras ou de mon chien. Elle me dépasse tout à fait. Elle est un actant de plein droit.

Surgit-elle de la matière objective, soudainement, pour écraser par ses contraintes mon pauvre corps fragile et ensommeillé ? Non, j'ai été la chercher parce qu'elle n'avait justement pas la même durabilité, la même dureté, la même plasticité, la même temporalité, bref la même ontologie que moi. En me plissant en elle, j'ai pu glisser d'une relation complexe qui réclamait ma vigilance continuelle à une relation simplement compliquée qui n'exige plus de moi que de verrouiller la porte. Les moutons interagissent-ils avec moi lorsqu'ils cognent leur museau sur les rêches planches de sapin ? Oui, mais avec un moi débrayé, délégué, traduit, multiplié par la barrière. Se heurtent-ils aux contraintes objectives de la matière ? Pas vraiment, puisque la barrière ne ressemble pas plus au sapin qu'à moi. Il s'agit bien d'un actant à part entière qui s'ajoute dorénavant au monde social des moutons bien qu'il ait des caractéristiques totalement différentes des corps. À chaque fois qu'une interaction dure dans le temps et s'allonge dans l'espace  c’est qu'on l’a partagée avec des non-humains."

Latour, B. (2007). Une sociologie sans objet? Remarques sur l’interobjectivité. Objets et mémoires, 37, 58.

bergerie urbaine


SideWays #9 - La bergerie des Malassis rumine la ville ! (93) from Side Ways on Vimeo.

Episode 9 de la websérie SideWays, Enquête d’un autre monde !
Découvrez également l’article multimédia pour en savoir plus sur la bergerie : side-ways.net/episode9
---> Sous-titres disponibles en français, anglais et allemand.

------------------------
Des chèvres à quelques minutes du périphérique parisien, ça interpelle. Mais plus intéressante encore est la philosophie des membres de l’association de la bergerie des Malassis : entre réappropriation de la ville, actions concrètes et vie de quartier.

-----------------
La websérie SideWays, ce sont des films indépendants et libres de droit. Découvrez notre fonctionnement et notre modèle de financement alternatif et participez à l’enrichissement de la série : http://side-ways.net

mode de prise versus point de vue

Ophrys guêpe
Sydenham Edwards (1768-1819)  — "The botanical register" vol. 3 pl. 205

"Le monde n’est pas ce qui garantit une convergence des points de vue mais ce que produit l’opération politique de composition et d’articulation des modes de prise. "

"Ce qui ne va pas, avec le point de vue, est que le terme implique que l’on peut en changer plus ou moins librement (à moins d’entrer dans une philosophie du point de vue où le sujet survient là où est le point de vue). Le mode de prise, en revanche co-définit ce qui prend et ce qui est pris. Un dispositif expérimental définit en même temps le praticien qui l’utilisera de manière compétente, voire inventive, et ce qui sera, le cas échéant, décrit comme «objet». On peut également mettre l’accent sur le devenir qui fait du praticien l’« appareil phonatoire » du non humain (Latour dans ses Politiques de la nature), ou encore, avec Deleuze, parler de « double capture » et d’« agencement » (Gilles Deleuze et Claire Parnet, op. cit., p. 8-9, p.65-68 – et passim).

Stengers, I., 2002. Un engagement pour le possible. Cosmopolitiques, 1, 27-36.

"La capture détermine le mode par lequel des individus (biologiques, sociaux, noétiques) entrent dans des rapports variables qui les transforment. L'exemple princeps en est la symbiose qui lie la guêpe et l'orchidée (…): la série animale (guêpe) « captée » par l'apparence de l'orchidée, assure la fonction d'organe reproducteur pour la série végétale"

Deleuze, G., 1980. Mille plateaux, p. 17

wood-wide-web



Architecture of the wood‐wide web: Rhizopogon spp. genets link multiple Douglas‐fir cohorts

Spatially explicit network model showing linkages between interior Douglas‐fir trees via shared colonization by Rhizopogon vesiculosus and Rhizopogon vinicolor genets. Circles represent tree nodes, sized according to the tree’s diameter, and coloured with four different shades of yellow or green that increase in darkness with increasing age class. Lines represent the Euclidean distances between trees that are linked. Line width increases with the number of links between tree pairs (i.e. repeated links through multiple fungal genets). An arrow points to the most highly connected tree, which was linked to 47 other trees through eight R. vesiculosus genets and three R. vinicolor genets inside the plot. Some tree nodes and their links may be obscured by overlapping features.

Explication de Suzanne Simard lors d'un Ted talk (2016) :
"Comme tout réseau, les réseau mycorhiziens ont des nœuds et des liaisons. Nous avons créé cette carte en examinant les courtes séquences d'ADN de chaque arbre et chaque champignon dans une parcelle de forêt où il y a des pins de Douglas. Dans ce schéma, les cercles représentent les pin de Douglas, ou les nœuds, et les lignes représentent les interconnexions fongiques, ou les liaisons.

Les nœuds les plus gros et les plus foncés sont les plus importants. Nous les appelons arbres concentrateurs, ou, plus affectueusement, les arbres mères car ces arbres concentrateurs nourrissent les jeunes arbres, ceux qui poussent dans les sous-bois. Si vous voyez ces points jaunes, ce sont les jeunes plants qui se sont installés dans le réseau des vieux arbres mères. Dans une forêt, un arbre mère peut être connecté à des centaines d'arbres. Grâce à nos traceurs isotopes, nous savons que les arbres mères envoient leur excès de carbone aux plus petits plants via le réseau mycorhizien. Nous estimons que cela augmente les chances de survie des plants par quatre.

Nous favorisons tous nos propres enfants, et je me suis demandé si le pin de Douglas reconnaissait les siens, comme la mère grizzly et ses petits. Nous avons mis en place une expérience et avons cultivé des arbres mères avec des plants de la même espèce et d'autres espèces. Il s'avère qu'ils reconnaissent les leurs. Les mères arbres colonisent les leurs avec des réseaux mycorhiziens plus grands. Ils leur envoient plus de carbone via le sous-sol. En terme de racines, ils réduisent même la compétition pour laisser de l'espace vital à leurs enfants. Quand les arbres mères sont blessés ou mourants, ils envoient des messages de sagesse à la nouvelle génération de plants. Le traçage par isotope a permis de tracer le déplacement du carbone d'un arbre mère blessé le long de son tronc, vers le réseau mycorhizien et vers les jeunes plants alentour, pas seulement le carbone mais aussi les signaux de défense. Ces deux composants ont augmenté la résistance des jeunes plants aux stress futurs. Les arbres se parlent !
Au travers de conversations bidirectionnelles, ils augmentent la résistance de toute la communauté. Cela vous rappelle probablement nos propres communautés sociales et nos familles, enfin au moins certaines.

Les forêts ne sont pas juste un ensemble d'arbres, ce sont des systèmes complexes avec des hubs et des réseaux qui se chevauchent, connectent les arbres et leur permettent de communiquer, leur fournissent des voies de rétroaction et d'adaptation et c'est cela qui rend la forêt robuste : le grand nombre d'arbres concentrateurs et de réseaux se chevauchant. Mais elles sont aussi vulnérables, vulnérables non seulement aux perturbations naturelles comme les dendroctones qui préfèrent attaquer les gros arbres mais aussi l'exploitation forestière et les coupes claires. Vous pouvez ôter un ou deux arbres concentrateurs mais il y a une limite à respecter car les arbres concentrateurs ressemblent aux rivets d'un avion : vous pouvez en enlever un ou deux et l'avion continuera de voler, mais si vous en enlevez un de trop ou celui qui maintient les ailes, tout le système s'effondre."


Beiler, K.J., Durall, D.M., Simard, S.W., Maxwell, S.A., Kretzer, A.M., 2010. Architecture of the wood-wide web: Rhizopogon spp. genets link multiple Douglas-fir cohorts. New Phytologist 185, 543–553.

Simard Suzanne,2016. Ted talk : https://www.ted.com/talks/suzanne_simard_how_trees_talk_to_each_other?language=fr
(Translated by Morgane Quilfen, Reviewed by Amélie Montagne)




agentivité des vivants non-humains

"Le langage et les régimes discursifs associés qui conditionnent une si large part de nos pensées et de nos actions ne sont pas clos. Bien qu'il faille bien entendu être prudent concernant la manière dont le langage (et, par extension, certains modes socialement stabilisés de pensée et d'action) naturalise des catégories de pensée, on peut s'aventurer à parler de quelque chose comme la vie « elle-même» sans être complètement contraint par la langue qui permet de l'exprimer.


Les sois non humains, en effet, possèdent des propriétés ontologiquement uniques associées à leur nature constitutivement sémiotique. Celles-ci, dans une certaine mesure, nous sont accessibles. Ces propriétés distinguent les sois des objets et des artefacts. Traiter les non-humains de façon générique – en mêlant sans discrimination les choses et les êtres – ne permet cependant pas de le voir. C'est là à mon sens le principal défaut des études de sciences et technologies, l'approche dominante lorsqu'il est question d'étendre le champ des sciences sociales pour y inclure les non-humains.

Ces études rassemblent non-humains et humains dans un même cadre analytique au moyen d'une forme de réductionnisme qui laisse dans l'ombre des concepts tels que l'agentivité et la représentation. En conséquence, les instanciations distinctivement humaines de ceux-ci deviennent les modèles de toute agentivité et de toute représentation. Cela aboutit à une forme de dualisme dans lequel humains et non-humains se voient attribuer un mélange de propriétés humanoïdes et chosiformes [...].

[...]

Cette approche de l'agentivité non humaine néglige le fait que certains non-humains, ceux qui sont vivants, sont des sois. Et en tant que sois, ils ne sont pas seulement représentés, ils représentent aussi des choses. Ils peuvent le faire sans avoir à « parler ». Ils n'ont pas non plus besoin de « porte-parole» […] car,[…], la représentation dépasse le symbolique et, par conséquent, le langage humain.

Bien que nous autres humains nous représentons les êtres vivants non humains de différentes manières culturellement, historiquement et linguistiquement distinctives, et que cela ait certainement des effets pour nous comme pour ces êtres ainsi représentés, nous vivons aussi dans des mondes au sein desquels la manière dont ces sois se représentent notre présence peut avoir une importance vitale. De la même manière, mon propos est d'explorer les interactions, non pas avec des non-humains envisagés de manière générique – c'est-à-dire en traitant les objets, les artefacts et les vies comme des entités équivalentes –, mais avec des êtres vivants non humains envisagés à partir des caractères distinctifs qui font d'eux des sois.

Les sois sont des agents, pas les choses. La résistance diffère de l'agentivité. Et […], la matérialité ne confère pas nécessairement de la vitalité. Les sois sont le produit d'une dynamique relationnelle spécifique qui implique l'absence, le futur, la croissance, de même qu'une aptitude à la confusion. Cela émerge avec les pensées vivantes, et cela leur est unique."


Kohn, E., 2017. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain. Zones sensibles. (pages 131-133)

pensée sylvestre

Pour écouter les insectes
Pour écouter les humains nous ne mettons pas
Les mêmes oreilles


Wafû



Au-delà des humains, l'anthropologie de la forêt…avec Eduardo Kohn, France Culture 2017 05 28

16’30 question d’Aurélie Luneau : « les animaux et les plantes sont des sois qui pensent et qui nous amènent à penser autrement ? » : « c'est exactement cela »

16’49 « l’idée du livre et le titre « comment pensent les forêts », explique qu’il existe une autre forme de pensée plus grande que la notre qui comporte le mode de pensée humaine, c’est un point important dans mon ouvrage, je veux étendre la notion de la pensée, c’est une forme de pensée qui n’est pas consciente, qui n’est pas limitée par la langue ou par la culture »

17’09 « et c’est une forme de pensée que nous devons aborder à nouveau au moment où nous sommes confrontés à cette période de catastrophe écologique »

21’06 « lorsque je dis « la forêt pense », je ne dis pas que c’est la version Runa de la façon dont la forêt pense, je dis les forêts pensent, et nous pouvons penser avec elles, voilà le genre d’animisme qui m’intéresse »

23’29 « la question n’est pas tant de savoir ce à quoi pense la forêt, mais comment la forêt pense ; la pensée sylvestre est une forme de pensée, caractérisée par un certain style, une certaine forme ; habituellement, quand on considère la pensée chez l’homme, on pense aux mots, les mots sont des moyens de représenter le monde ; le mot, en tant que signe, réfère en premier lieu à d’autres signes dans un système de conventions symboliques de signifiants et de signifiés ; ce n’est qu’alors que cette référence est établie, de manière circulaire, que l’on peut s’intéresser au monde et s’expliquer dans le monde

24’39 « la sorte de pensée que la forêt produit, comme toute autre forme d’être vivant, quand il ne parle pas, est une forme de pensée différente, là les signes sont différents ; ces signes sont comme les éléments qu’ils représentent, et ils s’indiquent les uns les autres, ils se montrent les uns les autres, mais il n’y a pas ce système plus indirect que je viens de décrire »

24’53 « une des choses les plus intéressantes dans les peuples de l’Amazone, c’est qu’ils ont une forme de parler, les gens de l’Amazone comme tous les être humains sont des êtres symboliques, ils n’ont rien de différent, mais vraiment rien de différent quand à leurs capacités langagières, ou l’intérêt qu’ils portent à la langue ; mais ils se déplacent dans des espaces où cette forme de pensée n’est pas la principale »

25’24 « par exemple, ils ont une forme extrêmement développée d’usage de choses qui sont un petit peu comme des mots, je met cela entre guillemets, ce sont des éléments qui ne font pas partie du langage, […] des onomatopées ; on se dit c’est enfantin, mais c’est particulièrement sophistiqué en Amazone, ça permet certaines formes de pensée comme celle de la forêt ; par exemple une personne de l’Amazone peut décrire une chasse où un cochon est abattu, blessé, et courre vers une rivière et « tsupu » : qu’est-ce que ça veut dire ce mot là ? et bien la chose drôle est que la plupart d’entre vous et des auditeurs ne connaissent pas le quechua, mais quand je vais vous dire ce que ça veux dire,

« tsupu » ça veut dire ceci : c’est une entité qui entre en contact avec de l’eau et qui plonge sous l’eau, voyez, et immédiatement vous dites « ha ha », évidemment

donc, qu’est-ce qu’il y a de si particulier dans cette forme de pensée, parce qu’à l’intérieur de vous, bien que vous ne soyez pas ce cette culture, vous avez compris, vous vous êtes approprié ça, vous l’avez ressenti, immédiatement »

27’14 « c’est ça la différence entre une pensée symbolique où vous devez avoir une connaissance de ces mots et de la grammaire, et cependant vous pouvez ressentir cela mais vous « tsupu », vous pouvez le ressentir aussi, voilà le genre de pensée  qu’est la pensée sylvestre, elle est à l’intérieur de vous »

30’41« l’ayahuasca est une drogue psychédélique, revenons à l’étymologie grecque du mot psychédélique, cela manifeste l’esprit, et ce que produit cette drogue, c’est qu’elle permet à l’esprit de manifester comme une qualité de l’univers ; alors on amène cela dans la forêt, et la forêt est un environnement si dense, si plein de pensée, que ces qualités d’esprit de la forêt se manifestent aussi, donc il est en train de communiquer avec les esprits de la forêt, donc voilà c’est cela la vie de la forêt » 

32’05 « nous appartenons tous au même monde, il ne s’agit pas de systèmes de croyance différents, nous devons tous apprendre à nouveau à penser comme des forêts, non pas simplement en nous rendant en Amazonie, nous avons cela en nous ; mais l’Amazonie est une région qui comprend des strates très complexes de pensée et tout cela se manifeste tout particulièrement là-bas en Amazonie, donc c’est psychédélique en soi »


39’50 « la pensée sylvestre nous l’avons en nous, il faut être à l’écoute ; c’est aussi simple que de s’affranchir de son téléphone portable, que d’essayer de se rappeler nos rêves, marcher dans la forêt, méditer, voilà des activités qui encouragent la pensée sylvestre, jouer avec des enfants, s’occuper d’animaux de compagnie ; ce n’est pas quelque chose qui est seulement en Amazonie, et pourtant le défi est grand, il faut trouver des espaces où la pensée sylvestre peut continuer à prospérer »

https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-effets-le-magazine-de-lenvironnement/au-dela-des-humains-lanthropologie-de-la


écosémiotique de la vie

Grégory Bateson a ouvert un champ complémentaire dans l’écologie, celui de l’écologie des signes, afin d’enrichir la seule approche par les échanges d’énergie et de matière qui ne suffit pas à rendre compte de la complexité de la biosphère (Hornborg, 2001).

Dans « vers une écologie de l’esprit », paru en anglais en 1972, Bateson insistait notamment sur les prémisses fausses qui permettent à certaines idées erronées de survivre, par le simple fait que l’écologie des idées dépend de certaines de ces prémisses « programmées en dur », qui deviennent nodales à une constellation d’autres idées subséquentes. Et notre responsabilité en tant qu’éducateurs, est de former ceux qui vont œuvrer, non pas en leur donnant les bons plans d’action, mais avec les bonnes prémisses pour développer une sagesse systémique.

Bateson proposait notamment de reconsidérer notre approche basée sur une logique classificatoire, issue des catégories descriptives du langage, si nous voulions mettre en œuvre davantage de sagesse systémique dans notre confrontation à la crise écologique, et attirait notre attention sur le déterminisme multifactoriel, ou complexe de cette crise ; ne serait-il pas temps de suivre ses propositions ?

Bateson illustre ce problème avec l'exemple d'Alice jouant au cricket avec un hérisson en guise de balle et un flamant rose en guise de batte, afin de démontrer la difficulté pour notre seule conscience projective [ purposive consciousness] de coupler son organisme avec un système plus vaste comme un écosystème, et propose d'avoir recours de manière plus importante aux processus primaires, ou inconscients : 

"Dans les processus primaires, les choses et les personnes ne sont généralement pas identifiées, et le discours porte essentiellement sur les relations qui prévalent entre elles. […]

Le foyer de la « relation » est, toutefois, plus restreint que ne pourrait le laisser entendre le fait que le matériel du processus primaire est métaphorique et que, par conséquent, il n’identifie pas les relatés spécifiques. En fait, l’objet du rêve ou de tout autre matériel relevant du processus primaire est la relation, au sens le plus étroit du rapport entre « soi » et les autres ou entre « soi » et l’environnement. […] [L]es caractéristiques des processus primaires sont ceux de tout système de communication entre organismes qui ne se servent que d’une communication iconique. Ce que la conscience non assistée (par l’art les rêves, etc.) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit."

L’art, la poésie, et la musique sont des modes de relation qui permettent de corriger l’écueil de la conscience projective : « le coeur a ses raisons que la raison ignore ».

Comme autre facteur correctif envisagés par Bateson, figurait la reconsidération de la relation Je-Cela, ou de sujet à objet, en Je-Tu, ou de sujet à sujet, que l’on pourrait traduire par la reconnaissance d’un soi aux êtres vivants non-humains, et que cette reconnaissance, qu’il qualifie d’amour, est un rempart à l’assujettissement du vivant non-humain.

L’approche écosémiotique de Bateson fut anticipée de quelques années par le travail pionnier de Jacob von Uexküll concerné par les relations intersubjectives entretenues par les organismes selon les caractéristiques propres à leurs équipements sensori-moteurs, ainsi que par les mondes subjectifs de ces organismes issus de ces mêmes caractéristiques sensori-motrices, mondes subjectifs qu’il qualifia d’Umwelten. L’exemple bien connu qu’il proposa en guise d’illustration est celui de la tique  :« Cet animal, privé d’yeux, trouve le chemin de son poste de garde à l’aide d’une sensibilité générale de la peau à la lumière. Ce brigand de grand chemin, aveugle et sourd, perçoit l’approche de ses proies par son odorat. L’odeur de l’acide butyrique, que dégagent les follicules sébacés de tous les mammifères, agit sur lui comme un signal qui le fait quitter son poste de garde et se lâcher en direction de sa proie. S’il tombe sur quelque chose de chaud (ce que décèle pour lui un sens affiné de la température), il a atteint sa proie, l’animal à sang chaud, et n’a plus besoin que de son sens tactile pour trouver une place aussi dépourvue de poils que possible, et s’enfoncer jusqu’à la tête dans le tissu cutané de celle-ci. Il aspire alors lentement à lui un flot de sang chaud »




C’est l’exemple de la tique qui inspira à Deleuze (1996) la proposition suivante « Les corps ne se définissent pas par leur genre ou leur espèce, par leurs organes et leurs fonctions, mais par ce qu’ils peuvent, par les affects dont ils sont capables, en passion comme en action. Vous n’avez pas défini un animal tant que vous n’avez pas fait la liste de ses affects. En ce sens, il y a plus de différences entre un cheval de course et un cheval de labour qu’entre un cheval de labour et un bœuf. »

Récemment, l’anthropologie a renouvelé cette approche écosémiotique, avec notamment l’ouvrage d’Éduardo Kohn (2017). Voici ce que dit Descola de l’auteur dans la préface de « Comment pensent les forêts » :  « Adoptant la triade sémiologique de Peirce – symboles, icônes, indices –, il propose que les signes iconiques (c’est-à-dire qui partagent une ressemblance avec ce dont ils tiennent lieu) et les signes indiciels (c’est-à-dire qui sont dans une relation de contiguïté spatiale et temporelle avec ce qu’ils représentent) doivent être introduits dans l’analyse anthropologique, non seulement comme des suppléments aux signes symboliques et afin d’enrichir la sémiose humaine […], mais aussi et surtout parce que les icônes et les indices sont des signes dont les organismes non humains se servent pour se représenter le monde et qui permettent à des formes de vie très différentes de communiquer. L’étude de l’usage inter-espèces des icônes et des indices offrirait ainsi un moyen d’inclure humains et non-humains à l’intérieur d’une sémiose plus englobante et fournirait la pierre angulaire d’une anthropologie « au-delà de l’humain ». Ainsi « la capacité à utiliser des indices ou des images afin de rendre présent quelque chose d’absent – soit parce qu’il n’est plus là, soit parce qu’il n’est pas encore arrivé – convertit de fait en « sois » tous les êtres qui possèdent cette disposition, c’est-à-dire, selon Kohn, tous les organismes. »


Bateson, G. (1972). Steps to an ecology of mind: Collected essays in anthropology, psychiatry, evolution, and epistemology. University of Chicago Press.
Descola, P., 2017. La forêt des signes, préface à « Kohn, E. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain ». Zones sensibles.
Deleuze, G., & Parnet, C. (1996). Dialogues (1977). Paris, Flammarion.
Hornborg, A. 2001. Vital signs : An ecosemiotic perspective on the human ecology of Amazonia. Σημειωτκή-Sign Systems Studies, (1), 121-152.
Kohn, E., 2017. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain. Zones sensibles.
Uexküll, J. v., 1965. Mondes animaux et monde humain suivi de La théorie de la signification, Paris, Denoël.

material semiotics

One of the traditions that allows us to escape structure-agency dualism is that of material semiotics. This disentangles agency from intentionality. Within material semiotics, an entity counts as an actor if it makes a perceptible difference. Active entities are relationally linked with one another in webs. They make a difference to each other: they make each other be. Linguistic semiotics teaches that words give each other meaning. Material semiotics extends this insight beyond the linguistic and claims that entities give each other being: that they enact each other. In this way of thinking agency becomes ubiquitous, endlessly extended through webs of materialised relations. But where to localise agency in such a web? Where to pin it down? This becomes a matter of attribution, post hoc and after the action. In telling stories about events, some entities are detached from their background and called ‘actors’. They are made to conceal and stand for the web of relations that they cover. They become the place where explanation, moral, causal, practical, stops.

Law, J., & Mol, A., 2008. The actor-enacted: Cumbrian sheep in 2001. In Material Agency (pp. 57-77). Springer US.

continuum

"Quant à « catégories », il faut d’abord que je dise que c’est une notion très ancrée dans une certaine philosophie, en gros une pensée kantienne : la catégorie est autre chose que ce qu’elle catégorise, elle arrive de l’extérieur, généralement des sujets humains. Et s’il n’y avait pas la catégorie, il y aurait le désordre, la confusion, ou la continuité. Or catégoriser plus ou moins un continuum, ce n’est pas du tout le type d’intérêt que je poursuis. Si catégorie veut dire délimitation relativement tranchée de choses qui n’existeraient pas si cette catégorie n’était pas imposée, c’est un modèle que j’ai toujours combattu. [...] Mais le besoin de classification et de norme, d’ailleurs la notion même de « norme » ressort à un type de science sociale qui revient à découper un continuum. Hors je suis jamesien, deweyen, pragmatiste, donc c’est vraiment un type de paradigme qui ne m’intéresse pas. Je sais que la classification intéresse beaucoup les anthropologues qui reconnaissent aux autres la capacité de classer, mais ce qui leur évite de se poser la question des êtres. La classification a pris un sens central avec Durkheim et Mauss, dans les sciences sociales. Moi, c’est l’ontologie qui m’intéresse, ce n’est pas la représentation, pour le dire vite."

Fossier, A., & Gardella, É. (2006). Entretien avec Bruno Latour. Tracés. Revue de Sciences humaines, (10), 113-129.

méthodes de recherche



méthodes de recherche en sociologie des sciences

"postulats fondamentaux

1/tout dans la science - résultats, faits, théories - est le fruit d'uns construction sociale, [...] nous considérons les choses comme le fruit de l'action collective

2/l'information scientifique s'édifie à même les négociations que mènent entre eux des acteurs travaillant dans un contexte organisationnel

3/ nous ne distinguons pas le contenu intellectuel de son contexte organisationnel [...] les scientifiques peuvent plus aisément, en cas d'imprévu, mettre en place des problèmes faisables et les résoudre. S'il y a pénurie, ils se voient contraints de réorganiser leur travail et, partant, la structure de leurs problèmes.

travaux analogues (CSI /Mines/Paris):

1/la formation des réseaux (l'enrôlement des alliés)

2/ les formes de codage des informations (les inscriptions)

3/ les alliances et les interactions jouent pour toutes sortes de catégories d'acteurs, qu'ils soient humains, souris ou microbes.


problématiques rencontrées

1/ la re-présentation

La "re-représentation" est le pivot de notre travail sur les représentations. Les scientifiques préparent des échantillons, tracent des diagrammes, établissent des graphiques et bâtissent des modèles pour représenter les phénomènes naturels. Cette représentation, ils l'élaborent au travers d'une suite d'étapes dont chacune modifie, d'une façon ou d'une autre, la précédente.

Les transformations que subissent les spécimens de zoologie illustrent bien ce qu'est une chaîne de re-représentations.

par la force des choses, les représentations sont partielles

des groupes confrontés à des situations différentes auront des perspectives différentes et tiendront, sur les phénomènes, des discours différents : ils donneront des représentations diverses de la nature ou de la société

les inscription peuvent s'accoler. Ainsi juxtaposées, elles permettent aux scientifiques de les comparer, de les combiner et d'y voir ainsi des relations qu'ils ne pourraient appréhender autrement. Un tel amalgame d'inscriptions constitue un "centre de calcul".

2/ la pratiques et la faisabilité

3/ les anomalies

4/ les réalignements, les croisements et les effets d'entraînement

5/ les ruptures de perspective"


Fujimura, J. H., Star, S. L., & Gerson, E. M. (1987). Méthodes de recherche en sociologie des sciences: travail, pragmatisme et interactionnisme symbolique. Cahiers de recherche sociologique, 5(2), 63-83.

étiqueter le loup


"la stabilisation de l’identité du loup n’est construite que chemin faisant" : c’est une infrastructure invisible qui équipe l’indice de présence (poils et fèces du loup). Cela lui permet de jouer un rôle d'objet-frontière dans la coordination des divers acteurs qui ont parfois des pratiques et des intérêts divergents


Granjou Céline et Mauz Isabelle , « Quand l'identité de l'objet-frontière se construit chemin faisant » Le cas de l'estimation de l'effectif de la population de loups en France, Revue d'anthropologie des connaissances, 2009/1 Vol. 3, n° 1, p. 29-49.


"Nous voyons ainsi que des objets intermédiaires peuvent devenir des objets-frontière notamment lorsqu’ils sont équipés, par exemple, de métadonnées, qui rendent possible la constitution d’une équivalence entre des mondes hétérogènes. Cet équipement matérialise dans l’interaction une infrastructure invisible faite de standards, de catégories et de conventions qui permet la circulation d’un monde à l’autre."[...]

"La notion d’équipement permet d’éviter de penser que les caractéristiques de médiation, de traduction, sont attachées à la seule nature de l’objet. Nous faisons l’hypothèse que le passage de l’objet intermédiaire à l’objet-frontière tient justement à ce travail d’équipement. Équipé, l’objet intermédiaire entre dans un espace suffisamment commun à plusieurs mondes sociaux. Dès lors, la structure minimale reconnaissable par les membres de différents mondes serait l’équipement dont l’objet est doté plus que l’objet lui-même. "

Vinck, D. (2009). De l'objet intermédiaire à l'objet-frontière. Revue d'anthropologie des connaissances, 3(1), 51-72.


"[L]es groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression constitue la déviance, en appliquant ces normes à certains individus et en les étiquetant comme des déviants".

Becker Howard, 1985. Outsiders. Études de sociologie de la déviance. Paris, Métaillé, 248.

"La “définition de la situation” - grande contribution de W.I. Thomas au vocabulaire et à la pensée sociologique - exige, par exemple, que nous comprenions la manière dont les acteurs voient la situation dans laquelle ils sont impliqués, et que nous découvrions comment ils définissent eux-même ce qui est en train de se passer, afin de comprendre ce qui entre en jeu dans la production de leur activité.

Becker, H. S. (2002). Les ficelles du métier: comment conduire sa recherche en sciences sociales. La découverte.

« Nous ne savons pas de quoi se compose le monde. Ce n'est pas une raison pour ne pas commencer. Car d'autres semblent le savoir et définissent constamment qui sont les acteurs qui les entourent, ce qu'ils veulent, ce qui les cause, ainsi que les moyens de les affaiblir ou de les associer. Les auteurs que nous allons étudier attribuent des causes, datent des évènements, dotent leurs entités de qualités, classent les acteurs. L'analyste n'a pas à en savoir plus qu'eux, il n'a qu'à commencer, en un point quelconque, par enregistrer sans être raisonnable ce chaque acteur dit des autres[...]
Il suffit qu’on ne sache pas quels sont les acteurs, qu’on les laisse s’entre-définir et qu’on suive comment chacun déplace la volonté des autres, en construisant des chaînes de traduction ».
 

Latour, B. (2001). Pasteur: guerre et paix des microbes; suivi de Irréductions. La découverte.

"Tout se passe comme si l'on disait aux acteurs :“Nous n'allons pas essayer de vous discipliner, de vous faire coller à nos catégories ; nous allons vous laisser déployer vos propres mondes ; ce n'est qu'ensuite que nous vous demanderons d'expliquer comment vous êtes arrivés à les établir.” Autrement dit, la tâche de définition et de mise en ordre du social doit être laissée aux acteurs eux-mêmes, au lieu d'être accaparée par l'enquêteur". 

"Un bon texte met au jour des réseaux d'acteurs lorsqu'il permet à celui qui l'écrit de tracer un ensemble de relations définies comme autant de traductions."

Latour, B. (2014). Changer de société, refaire de la sociologie. La découverte.
 


déplier le marteau



"Qu’est-ce qui est plié dans l’action technique? Le temps, l’espace et le type d’actants. Le marteau que je trouve sur mon atelier n’est pas contemporain de mon action d’aujourd’hui: il garde plissés les temps hétérogènes dont l’un a l’ancienneté de la planète, à cause du minerai qui a servi à le fondre, dont l’autre à l’âge du chêne qui a donné le manche, et dont un autre encore renvoie aux dix années passées depuis qu’il est sorti de l’usine allemande qui l’a mise sur le marché. Quand je saisis le manche, j’insère mon geste dans ‘un bouquet de temps’, selon l’expression de Michel Serres, qui me permet de m’insérer moi-même dans des temporalités variées, dans des différentiels de temps, ce qui explique (ou plutôt implique) la solidité relative souvent associée à l’action technique. Ce qui est vrai du temps l’est aussi de l’espace, car cet humble marteau maintient en place des lieux tout à fait hétérogènes et que rien, avant l’acte technique, ne permettait de rassembler: les forêts d’Ardennes, les mines de la Ruhr, l’usine allemande, le camion d’outillage qui propose des discounts chaque mercredi sur les routes du Bourbonnais pour finir par cet atelier d’un bricoleur du dimanche particulièrement maladroit. Toute technique ressemble à ce que les surréalistes appelaient un ‘cadavre exquis’. Si nous devions, par intention pédagogique, inverser le mouvement du film dont ce marteau n’est que la terminaison, nous devrions déployer des temps lointains et des espaces dispersés, toujours plus nombreux: l’ampleur, la dimension, la surprise des connections aujourd’hui invisibles qui seraient alors rendues manifestes, nous donneraient par contraste l’exacte mesure de ce que ce marteau, aujourd’hui, fait. Rien de moins local, de moins contemporain, de moins brutal qu’un marteau, dès que l’on se met à déplier ce qu’il agence; rien de plus local, brutal et durable que ce même marteau, dès qu’on replie tout ce qu’il a impliqué."
Latour, B. (2000). La fin des moyens. Réseaux, 18(100), 39-58.

recadrer ou cadrer ?

dans le domaine de la psychologie du courant de Palo Alto, le recadrage est une méthode pour induire un changement de perspective de l'interlocuteur vis-à-vis d'une situation ou d'un évènement particuliers, en faisant apparaître des relations qui transforment le sens que cet interlocuteur donne à cette situation ou évènement.

"Recadrer signifie modifier le contexte conceptuel et/ou émotionnel d'une situation, ou le point de vue selon lequel elle est vécue, en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond aussi bien, ou même mieux, aux "faits" de cette situation concrète, dont le sens, par conséquent, change complètement.../... Ce qu'on modifie en recadrant, c'est le sens accordé à la situation, pas ses éléments concrets - ou, selon la sentence du philosophe Épictète (premier siècle de notre ère) : «Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais l'opinion qu'ils en ont.»"

"En termes très abstraits, recadrer signifie faire porter l’attention sur une autre appartenance de classe tout aussi pertinente d’un même objet, ou surtout introduire cette nouvelle appartenance  de classe dans le système conceptuel des personnes concernées"

Watzlawick, P., Weakland, J. H., Fisch, R., & Furlan, P. (1975). Changements: paradoxes et psychothérapie. Ed. du Seuil.

chez Mermet, le recadrage est un outil stratégique du changement et s'effectue en quatre étapes essentielles

"1/Appuyer l’analyse du système d’action lié à un problème d’environnement sur une définition préalable, en termes écologiques, de l’objet environnemental à prendre  en  compte  et  des  objectifs  poursuivis.[…]

2/Prendre en compte, dans le diagnostic de la gestion de cet objet environnemental, l’ensemble des actions anthropiques qui, consciemment ou non, intentionnellement ou non, ont une influence déterminante sur ses qualités : c’est cet ensemble que l’on définit comme la «gestion effective ».[…]

3/Apporter une attention centrale aux acteurs qui ont pour  mission  principale  de  provoquer  des  changements appropriés de la gestion effective de l’objet écologique : ce sont les « acteurs d’environnement », opérateurs de la « gestion intentionnelle » […]

4/Replacer ces analyses dans la perspective dynamique d’un  système  de  gestion  qui  change  et  se  structure au  fil du  temps sous  l’effet structurant  des conflits,…"

Mermet, L., Billé, R., Leroy, M., Narcy, J. B., & Poux, X. (2005). L'analyse stratégique de la gestion environnementale: un cadre théorique pour penser l'efficacité en matière d'environnement. Natures sciences sociétés, 13(2), 127-137

chez Callon, le terme de cadrage (notamment au sein du marché) décrit le travail de démêler un élément de son contexte afin de le marchandiser :
(ici, le cadre est proche du "frame" de la sociologie d'Erwing  Goffman)

"Le cadre établit une frontière à l'intérieur de laquelle se déroulent, de manière relativement indépendante du contexte, des interactions, dont la signification et le contenu s'imposent comme une évidence aux protagonistes.
Goffman souligne la double nature du cadrage. Il suppose évidemment des acteurs qui mobilisent des ressources cognitives ainsi que des formes de comportements et de stratégies qui ont été structurés par des expériences antérieures : les acteurs sont capables de se mettre d'accord (cet accord n'ayant évidemment pas besoin d'être explicite) sur le cadre dans lequel leurs interactions vont se dérouler et sur les cours d'action possibles. Mais ce cadrage ne prend pas seulement appui sur les engagements des acteurs ; il s'ancre dans le monde extérieur, dans divers dispositifs matériels et organisationnels. C'est pourquoi le cadrage met entre parenthèses le monde extérieur mais sans pour autant abolir toute connexion avec lui. "

"La notion de cadrage désigne cette possibilité de clôture : on règle entre soi, que l'on soit deux ou mille, que l'on communique par les prix ou que l'on prenne la parole pour négocier des contrats, les problèmes d'affectation des ressources ou de transferts de propriété tout en établissant une frontière momentanément imperméable avec le reste du monde"

CALLON, M. (1999). La sociologie peut-elle enrichir l'analyse économique des externalités? Essai sur la notion de débordement. D. Foray, J. Mairesse, Innovations et performances. Approches interdisciplinaires, Paris, Éditions de lřécole des hautes études en sciences sociales.



Le cadre chez Goffman est emprunté, comme chez Watzlawick, à Bateson : « Nous nous servirons abondamment du terme de "cadre" tel que l'entend Bateson. Je soutiens que toute définition de situation est construite selon des principes d'organisation qui structurent les événements – du moins ceux qui ont un caractère social – et notre propre engagement subjectif. Le terme de "cadre" désigne ces éléments de base »

Goffman E., 1991. Les cadres de l'expérience, Paris, Ed. de Minuit.

Chez Latour, le cadre est constitué par les acteurs non-humains :

"C'est seulement en l'isolant par un cadre que l'agent peut interagir avec un autre agent, face à face, en laissant au-dehors de ce cadre le reste de leur histoire ainsi que leurs autres partenaires. L'existence même d'une interaction suppose une réduction, une partition préalable. Or comment expliquer l'existence de ces cadres, de ces partitions, de ces réductions, de ces recoins, de ces portes coupe-feu qui évitent la contagion du social ? Les interactionnistes sont muets sur ce point et se contentent d'utiliser métaphoriquement le mot "cadre".
[...]
Dans leurs interactions,les singes n'engagent presque jamais d'objets. Chez les humains, il est presque impossible de reconnaître une interaction qui ne ferait pas appel à une technique. Chez les singes, l'interaction peut proliférer, appelant à la rescousse, de proche en proche, l'ensemble de la troupe. Chez les humains, l'interaction est le plus souvent localisée, cadrée, tenue. Par quoi ? Par le cadre justement, constitué d'acteurs qui ne sont pas humains. Faut-il faire appel à la détermination par les forces matérielles ou à la puissance de la structure pour aller de l'interaction à son cadre ? Non, nous nous transportons simplement aux lieux et aux temps de la conception du cadre.
[...]
Chez les humains, en revanche,on localise activement une interaction par un ensemble de partitions,de cadres,de paravents, de coupe-feu, qui permettent de passer d'une situation complexe à une situation seulement compliquée. Un exemple banal fera comprendre cette évidence.Pendant que je suis au guichet pour acheter des timbres-poste et que je parle dans l' hygiaphone, je n'ai sur le dos ni ma famille, ni mes collègues, ni mes chefs ; la guichetière, Dieu merci, ne me fatigue pas non plus avec sa belle-mère,ni avec les dents de ses poupons. Cette heureuse canalisation, un babouin ne pourrait se la permettre puisque, dans chaque interaction, tous les autres peuvent intervenir."

Latour, B. (1994). Une sociologie sans objet ? Remarques sur l'interobjectivité. Sociologie du travail, 587-607.


les choses sont le produit de l'action collective

schéma du clavier QWERTY breveté par Christopher Latham Sholes en 1878

le programme "faire paître le bétail" et sa traduction paysagère

dans la Vallée des Roses du massif du M'Goun marocain, aussi bien que sur le plateau tibétain du Sichuan, les buissons d'épineux permettent d'isoler les cultures qui sont pratiquées sur les colluvions, et de les protéger de l’appétit vorace des troupeaux nomades des alentours, qu'il s'agisse des chèvres au Maroc ou des yacks au Tibet.

bien que dans certains endroits, l'arbre fut au néolithique employé comme fourrage (Thiébault, 2005) il est vraisemblable que les prunelliers, aubépines et rosiers sauvages de nos haies furent à l'origine plantés afin de protéger les cultures des troupeaux alentours

selon Marguerie et al.(2003), de la fin du XVème à la première moitié du XIXème, la construction progressive du bocage a pour but de réguler le rapport cultures-élevage sous la pression de l'essor démographique (= parquer les animaux et protéger les espaces cultivés de la divagation des animaux).

si nous considérons le programme suivant "faire paître le bétail", différentes épreuves nécessitent de faire un pas de côté afin de contourner ces obstacles qui se présentent au fur et à mesure comme autant d'anti-programmes

à chaque détour, de nouveaux alliés biologiques, énergétiques, chimiques ou mécaniques sont sollicités

le berger conduit les troupeaux dans les herbages et évite les zones cultivées cependant qu'avec la croissance démographique une première innovation bocagère permet de clôturer les zones de cultures ; puis avec la venue de l'assolement, ce sont aussi les prairies qui se trouvent encloses par les haies

avec la révolution mécanique, l'agriculture intensive et l'arasement bocager, le berger électrique remplace l'humain, mais nécessite toujours le passage d'un faucheur pour empêcher les herbes de court-circuiter le courant et rendre ainsi le fil électrique inefficace

le faucheur se fatigue et trouve un allié dans le pulvérisateur de molécules chimiques qui élimine ces herbes indésirables

cependant, les poissons commencent à faire parler d'eux, et la baisse de leurs effectifs finit par prendre du poids dans la balance contre ces molécules : et donc, au moins sur les bordures des cours d'eau, ces molécules deviennent interdites

un support de fil avec déport est alors fixé sur le piquet afin de permettre de passer une faucheuse tractée

ces différentes innovations ou détours socio-techniques s'accumulent pour entrer dans la composition de nos paysages

schéma de la traduction d'après Latour (2010)


Latour Bruno, 2010. Cogitamus: Six lettres sur les humanités scientifiques.
Marguerie, D., Antoine, A., Thenail, C., Baudry, J., Bernard, V., Burel, F., ... & Guibal, F. (2003). Bocages armoricains et sociétés, genèse, évolution et interactions.
Thiébault, S. (2005). L’apport du fourrage d’arbre dans l’élevage depuis le Néolithique. Anthropozoologica, 40(1), 95-108.

normalisation

Callon, M., & Rip, A. (1992). Humains, non-humains: morale d’une coexistence.

sociologie modeste

les principes de la sociologie modeste de John Law, sources :

Mougenot, C. (2003). Prendre soin de la nature ordinaire. Editions Quae.

Law, J. (1994). Organizing modernity (pp. 100-104). Oxford: Blackwell.

mondes lexicaux # univers de discours # mondes sociaux

"Ce modèle simplifié de représentation statistique d’un discours [Alceste] suffit à mettre en évidence, du moins dans l’analyse de certains corpus, une tendance du vocabulaire à se distribuer dans des mondes lexicaux stabilisés... Cela nous a conduit à rechercher les contenus ailleurs que dans les textes... Nous avons dû quitter l’approche des textes, conçue comme supportant des représentations, pour une approche des textes en termes de traces d’activité, traces de discours possible. Nous ne disons pas que ces traces ne permettent pas de se représenter, mais elles « représentent » aussi comme les traces de toute activité humaine." (Reinert, 2008)

"Dans  l’activité  langagière,  les  mots  pleins  constituent,  selon  nos  hypothèses,  des  traces  possibles des  contenus  de  nos  activités.  Ils  ne  sont  pas  les  signifiants  mais  bien des  traces possibles  de  ce  contenu  en  acte. Bien sûr, il existe des dictionnaires, dont on ne doit pas oublier qu’ils ne signifient rien sans un usage. Si les mots appartiennent à un bien commun, c’est d’abord par leur matérialité, c’est-à-dire dans la mesure où ils s’intègrent aux activités et usages d’une époque, d’un lieu, d’une population ; ils ne sont jamais seuls, aussi les contenus de ces usages impliquent-ils toujours des constellations de mots et de marques de toutes sortes. Les mots pleins ont cependant la faculté de susciter des contenus en tant qu’ils stabilisent nos visions du monde, mais le contenu n’est pas dans le mot ; il est dans l’acte, dont le mot est une trace. " (Reinert, 2008)

"De ce fait, le tableau de données ne reflète plus un monde d 'objets mais un monde d'usages de ces objets dont les aspects insistants marquent à la fois des centres de stabilisation des objets et des pôles de tension entre sujets." (Reinert, 1999)

Reinert, M. (2008). Mondes lexicaux stabilisés et analyse statistique de discours. Actes de la JADT 2008, 981-993.
Reinert, M. (1999). Quelques interrogations à propos de l'"objet" d'une analyse de discours de type statistique et de la réponse "Alceste". Langage et société, 90(1), 57-70.


"The universe of discourse which deals simply with the highest abstractions opens the door for the interrelationship of the different groups in their different characters. The universe of discourse within which people can express themselves makes possible the bringing-together of those organized attitudes which represent the life of these different communities into such relationship that they can lead to a higher organization. The very universality of the processes which belong to human society, whether looked at from the point of view of religion or trading or logical thinking, at least opens the door to a universal society; and, in fact, these tendencies all express themselves where the social development has gone far enough to make it possible."
George Herbert Mead. "Democracy and Universality in Society", Section 36 in Mind Self and Society from the Standpoint of a Social Behaviorist (Edited by Charles W. Morris). Chicago: University of Chicago (1934): 281-289 .

"Discourses here, then, mean these assemblages of language, motive, and meaning, moving toward mutually understood modus vivendi—ways of (inter)acting."
Clarke, A. E., & Star, S. L. (2008). The social worlds framework: A theory/methods package. The Handbook of Science & Technology Studies, 3, 113-137.


"Quoique l'idée de mondes sociaux puisse essentiellement renvoyer à des univers de discours, nous devrions être attentifs à ne pas nous confiner à la simple observation des formes de communication, de symbolisation et d'univers de discours mais aussi à examiner des faits palpables comme des activités, des appartenances, des sites, des technologies et des organisations spécifiques à des mondes sociaux particuliers"
Strauss, A. (1978). A social world perspective. Studies in symbolic interaction, 1(1), 119-128.


De son côté, Howard Becker (1982) définit le monde social comme "le réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens conventionnels de travail, concourent à la production des œuvres".
En 2006 il dit :
"Un « monde », tel que je l'entends [...] consiste en des gens réels qui essaient de faire des choses, en grande partie en préparant les autres personnes à faire des choses qui vont leur être utiles dans leur projet. Tout le monde a un projet et le résultat des négociations entre eux n'est rien d'autre que ce sur quoi ils finissent par tous tomber d'accord, chaque personne impliquée dans de telles activités devant prendre en compte la façon dont les autres répondent à ses propres actions."


Becker, H. S. (1982). Art worlds. Univ of California Press.
Becker H.S. et Pessin A., 2006.Dialogue sur les notions de Monde et de Champ. Sociologie de l'Art 2006/1 (OPuS 8), p. 163-180.

centre de calcul

"L'un des moyens de se faufiler [ entre deux erreurs de l'histoire des sciences et de l'histoire du capitalisme ] est se demander comment il est possible de capitaliser quoi que ce soit. Dès que cette question est posée, on s'aperçoit que les réponses ne sont pas légions ; il faut faire venir le monde en certains points qui deviennent alors des centres ou des points de passage obligé. Très bien mais sous quelle forme faire venir le monde pour que, d'une part, ce qui est loin, distant et périssable, s'y trouve assemblé, et que, d'autre part, le centre ainsi constitué ne soit pas un formidable embouteillage ? Il faut inventer des dispositifs qui mobilisent les objets du monde, maintiennent leur forme et puissent s'inspecter du regard. Il faut surtout que toutes ces formes puissent se combiner à loisir et se retravailler de telle sorte que celui qui les accumule dispose d'un surcroît de pouvoir. Alors, et alors seulement, certains points deviennent des centres capables de dominer sur une grande échelle. Dans la suite des recherches, je ne parlerai plus des lieux où se cumulent les mobiles immuables que comme des centres de calcul, sans plus m'occuper de savoir à quels domaines ces calculs ressortissent."

LATOUR, B. (1985). LES «VUES» DE L'ESPRIT. Culture technique, (14).

# le centre de calcul (observatoire, laboratoire) permet l'action à distance sur des mobiles immuables et combinables :


Latour, B. (2005). La science en action: introduction à la sociologie des sciences. La Découverte/Poche.p.534-535



Latour, B. (2005). La science en action: introduction à la sociologie des sciences. La Découverte/Poche.p.542-543


"L’accent mis sur le déplacement matériel – que nous retrouvons dans la notion de « centre de calcul » développée par Bruno Latour – nous aide à esquisser une définition très générale du calcul, comme consistant en un processus où trois étapes sont impliquées :

    Tout d’abord, afin d’être calculées, les entités prises en compte doivent être détachées : un nombre fini d’entités sont déplacées et disposées dans un espace unique  (LATOUR, 1995 ; BOWKER, STAR, 1999) . Nous devons imaginer cet espace de calcul dans un sens très large : c’est le « compte » lui-même mais également, par extension, la surface où les entités à calculer sont déplacées (littéralement ou par délégation) puis comparées et manipulées selon un principe opérationnel commun. Il est important de retenir la variété de tels espaces de calcul. Une facture, un échiquier, une usine, un écran de négociation, une salle de marché, un tableur informatique, une chambre de compensation, une mémoire d’ordinateur, un chariot de supermarché : tous ces espaces peuvent être analysés en tant qu’espaces de calcul, mais tous fourniront des formes de calcul différentes.

    Une fois mises ainsi à plat, les entités considérées (« prises en compte ») sont associées entre elles. C’est-à-dire qu’elles sont sujettes à manipulations et transformations, toujours dans un sens très matériel (des mouvements vers la gauche ou la droite, vers le haut ou le bas, des superpositions ou des juxtapositions). Appliquer une règle, dans un sens mathématique, ou utiliser un calculateur mécanique sont des cas où l’on peut facilement reconnaître ce procédé : une économie de calcul est précisément une économie de déplacements, comme celle qu’avait décrite Charles Babbage lors du célèbre épisode de sa visite à la chambre de compensation bancaire de la City de Londres  (CAMPBELL-KELLY, ASPRAY, 1996, p. 15-20) . Mais ces déplacements sont également à l’œuvre dans des situations moins mécaniques. Un arbitragiste financier, par exemple, associe matériellement deux entités (un indice et le produit dérivé correspondant, ou une société et sa cible dans le cas d’une fusion possible) en disposant leur évolution sur une même fenêtre d’écran  (BEUNZA, STARK, 2003 ; GODECHOT, HASSOUN, MUNIESA, 2000)

    Un troisième mouvement est nécessaire afin d’obtenir un calcul abouti : un résultat doit être extrait. Une nouvelle entité doit être dégagée (une somme, une liste ordonnée, une évaluation, un choix binaire, etc.), une entité qui corresponde précisément aux manipulations effectuées dans l’espace de calcul et qui, par conséquent, lie (elle récapitule ou, en anglais, summa-rizes) les entités prises en compte. Cette entité résultante n’est pas nouvelle dans le sens ou elle viendrait de nulle part : elle est préfigurée par les arrangements décrits ci-dessus. Mais elle doit pouvoir quitter l’espace de calcul et circuler ailleurs d’une façon acceptable (et sans transporter tout l’appareillage de calcul avec elle)."

Callon, M., & Muniesa, F. (2003). Les marchés économiques comme dispositifs collectifs de calcul. Réseaux, (6), 189-233.

que faire d'Iramuteq ?

soient nos entretiens avec 7 acteurs de la gestion effective des continuums de végétation et de milieux que l'on regroupe sous le terme de Trame Verte et Bleue (TVB)

il est possible de traiter ceux- ci avec Iramuteq (Interface de R pour les Analyses Multidimensionnelles de Textes et de Questionnaires)

une première analyse proposée par Iramuteq nous donne une afc que l'on peut exporter vers R à partir du fichier tableafcm.csv et permettre son édition avec la superposition des sources d'entretiens sur le plan de distribution des formes actives (les mots qui comptent dans la différentiation de ces entretiens), ce qui n'est pas proposé par Iramuteq


> table<-read.table("tab_tvb.txt",header=T)
> table[1:5,]
         CR_BZH Camp Chambagri_56 DREAL Grand_Bassin_Oust Maire Adjoint
accord        2    0            5     0                 1     1       2
acteur       35    3            3     9                 3     0       0
action       27    2            8    12                 1     4       3
activite      3    6            3     0                 0     3       0
adjoint       0    0            0     0                 0     1       9
> afct<-ca(table)
> plot(afct)

#il est ensuite possible de transformer le tableau initial qui présente les formes actives (mots qui comptent) en lignes et entretiens en colonnes en collant avec transposition sous excel dans un nouveau fichier

> tabt<-read.table("tab_tvb_trsp.txt",header=T)
> tabt

# à partir de cette nouvele table, la librairie {vegan} de R permet de faire un calcul de distance

> dist <- vegdist(tabt,method="jaccard")
> dist
                     CR_BZH      Camp Chambagri_56     DREAL Grand_Bassin_Oust     Maire
Camp              0.6946032                                                            
Chambagri_56      0.6481013 0.7336924                                                  
DREAL             0.8084147 0.8205714    0.8441011                                     
Grand_Bassin_Oust 0.7487981 0.6655022    0.6745050 0.8449782                           
Maire             0.6911847 0.6768429    0.7138246 0.8713299         0.6810534         
Adjoint           0.7885215 0.7529200    0.7807552 0.8736196         0.6943675 0.6490658

cette matrice de distance peut ensuite être présentée de manière appropriée pour Trex

7
CR_BZH 0 0.6946032 0.6481013 0.8205714 0.7487981 0.6911847 0.7885215
Camp 0.6946032 0 0.7336924 0.8205714 0.6655022 0.6768429 0.7529200
Chambagri_56 0.6481013 0.7336924 0 0.8441011 0.6745050 0.7138246 0.7807552
DREAL 0.8084147 0.8205714 0.8441011 0 0.8449782 0.8713299 0.8736196                  
Grand_Bassin_Oust 0.7487981 0.6655022 0.6745050 0.8449782 0 0.6810534 0.6943675            
Maire 0.6911847 0.6768429 0.7138246 0.8713299 0.6810534 0 0.6490658
Adjoint 0.7885215 0.7529200 0.7807552 0.8736196 0.6943675 0.6490658 0

qui nous édite un arbre de distance lexicale entre les différents entretiens

cependant Iramuteq peut faire un peu mieux, puisqu'il est capable de faire une mesure de la cooccurence de ces formes à partir de la méthode Reinert que l'on trouve aussi dans Alceste
> un découpage des texte en segments de 40 occurrences
> une classification des segments de textes selon la présence de formes communes en leur sein
#le positionnement des entretiens selon ce plan est aussi disponible
#il est possible ensuite de revenir sur le corpus qui peut être colorié selon les différentes classes dans un fichier .html



#et l'identification des classes computées par le logiciel

# à partir du tableau des antiprofils ou formes significativement absentes de la classe, il est possible de représenter un choix de formes selon leur chi2 au sein de chaque classe



# ce sont des classes qui sont donc construites selon les similitudes entre segments de 40 occurrences, que l'on peut qualifier de "mondes lexicaux".  La segmentation, proximité, le mélange ou la distance entre ces "mondes lexicaux" pourrait peut-être nous donner une idée des "mondes sociaux"* au sein desquels évoluent les acteurs.
Nous sommes encore loin d'avoir décrit avec cet outils les nuances de l'interaction de ces acteurs avec les autres actants et acteurs de la TVB, cependant nous bénéficions là d'une première analyse pour identifier les enjeux importants des uns et des autres, et d'une entrée en matière pour l'analyse selon les concepts patrimoniaux de Montgolfier et Natali (1987) afin de définir les richesses, menaces, sources d’adaptabilité, cohérence interne et externe de chacun d'entre eux et des convergences et divergences majeures entre acteurs sur ces plans, ainsi que les arènes où l'action collective au sujet de la TVB se met en place.

*«le réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens conventionnels de travail, concourent à la production des œuvres de ce monde ». (Howard Becker, 1982 p22)

# une autre possibilité d'exploitation des données réside dans l'analyse de similitude exploitant la librairie igraph de R, et permet de construire un réseau de formes  avec représentation des communautés selon cet indice ; l'exemple ci-dessous est réalisé en effectuant une sélection restreinte des formes à figurer dans le réseau, son interprétation est moins évidente que l'analyse de Reinert, mais elle peut en être complémentaire




De Montgolfier, J., & Natali, J. M. (1987). Le patrimoine du futur. Approches pour une gestion patrimoniale des ressources naturelles.
Becker Howard (1982), Les mondes de l'art, Champs Arts, édition 2010



urbanité nicheuse comparée par les arbres

Soit un inventaire de l'avifaune nicheuse rennaise réalisé en 1988 par Jo Le Lannic [http://ecographe.pagesperso-orange.fr/pab_nav.html ], est-il possible d'employer ces oiseaux comme des descripteurs de la similarité des formes des trames verte, bleues et minérales de cette urbanité ?

Nous avons les 16 carrés de 1x1km comme maille d'échantillonnage sur fond d'image Landsat de 1990 :


Nous avons aussi les carte d'abondance selon les mailles de ce quadrat pour les différentes espèces



Un calcul de distance entre les mailles avec l'indice de similarité de Jaccard  est effectué à partir des données de présence absence des différentes espèces (outil ADE4 de R) :
16
Bellangeraie 0.0000 0.5987 0.6409 0.5951 0.5976 0.5843 0.5436 0.5890 0.5563 0.6742 0.6820 0.5436 0.7559 0.6362 0.6325 0.5000
Tauveraie 0.5987 0.0000 0.5000 0.6325 0.6389 0.6292 0.5941 0.5774 0.6325 0.6547 0.6851 0.6443 0.7874 0.6928 0.7348 0.6143
Gayeulles_O 0.6409 0.5000 0.0000 0.5774 0.7004 0.6934 0.5883 0.5443 0.6262 0.6716 0.6782 0.5883 0.8126 0.7071 0.7276 0.6754
Gayeulles_E 0.5951 0.6325 0.5774 0.0000 0.6667 0.6571 0.5578 0.5053 0.6325 0.7071 0.6647 0.5898 0.8028 0.6470 0.6726 0.6389
Cimetière_N 0.5976 0.6389 0.7004 0.6667 0.0000 0.5145 0.6547 0.6325 0.5270 0.6689 0.6778 0.6247 0.6742 0.6236 0.5303 0.6470
Gros-Chêne 0.5843 0.6292 0.6934 0.6571 0.5145 0.0000 0.5774 0.6216 0.5927 0.5855 0.5941 0.4932 0.6614 0.5222 0.5080 0.5701
Maurepas 0.5436 0.5941 0.5883 0.5578 0.6547 0.5774 0.0000 0.5164 0.5477 0.6439 0.5452 0.4939 0.7583 0.5991 0.6602 0.5641
Long-Champs 0.5890 0.5774 0.5443 0.5053 0.6325 0.6216 0.5164 0.0000 0.5963 0.6498 0.5976 0.5164 0.7746 0.6100 0.6362 0.5774
Hôtel-Dieu 0.5563 0.6325 0.6262 0.6325 0.5270 0.5927 0.5477 0.5963 0.0000 0.5927 0.5606 0.6172 0.6969 0.5774 0.6094 0.6100
Thabor 0.6742 0.6547 0.6716 0.7071 0.6689 0.5855 0.6439 0.6498 0.5927 0.0000 0.4399 0.6124 0.6614 0.5688 0.6761 0.7372
Jeanne_d_Arc 0.6820 0.6851 0.6782 0.6647 0.6778 0.5941 0.5452 0.5976 0.5606 0.4399 0.0000 0.6202 0.6720 0.4752 0.6513 0.6988
Beaulieu 0.5436 0.6443 0.5883 0.5898 0.6247 0.4932 0.4939 0.5164 0.6172 0.6124 0.6202 0.0000 0.7338 0.5620 0.5528 0.5283
Mairie 0.7559 0.7874 0.8126 0.8028 0.6742 0.6614 0.7583 0.7746 0.6969 0.6614 0.6720 0.7338 0.0000 0.6476 0.6831 0.7715
Oberthur 0.6362 0.6928 0.7071 0.6470 0.6236 0.5222 0.5991 0.6100 0.5774 0.5688 0.4752 0.5620 0.6476 0.0000 0.5388 0.6247
Villebois-Mareuil 0.6325 0.7348 0.7276 0.6726 0.5303 0.5080 0.6602 0.6362 0.6094 0.6761 0.6513 0.5528 0.6831 0.5388 0.0000 0.5849
Plaine_de_Baud 0.5000 0.6143 0.6754 0.6389 0.6470 0.5701 0.5641 0.5774 0.6100 0.7372 0.6988 0.5283 0.7715 0.6247 0.5849 0.0000

La méthode des arbres additifs (Sattah et Tversky (1977) permet de représenter les proximités entre mailles sous forme d’un arbre
valué à distance additive composé de sommets correspondant aux mailles à classer et de nœuds internes reliés par des arêtes.
Une interface permettant de faire le calcul (ADDTREE) et de produire le graphe est disponible en ligne à http://www.labunix.uqam.ca/~makarenv/trex.html

L'arbre obtenu permet ensuite de visualiser la proximité des différentes mailles selon leur populations d'oiseaux nicheurs. La particularité de ces similarités est d'intégrer une dimension verticale à travers la structuration de la végétation qui détermine pour une part importante la présence des différentes espèces, ainsi que la dimension des réseaux trophiques qui assurent la nourriture de ces espèces. Ces dimensions sont absentes de l'imagerie satellitaire, il serait donc intéressant de comparer la similarité entre les mailles que peuvent donner les différentes signatures spectrales de l'image satellite....

Il est aussi possible de passer par la librairie {vegan} de R pour obtenir une matrice de distance selon l'indice de Gower puis un arbre de distance minimale



boite noirisation # montée en généralité


# boîte noire = machine triviale avec un seul état intérieur, un input donné produit toujours le même output, une machine triviale est prévisible et indépendante de l'histoire


# la machine non-triviale possède des états internes : son état intérieur est >1, elle est imprédictible, mais déterministe, (son résultat n'est pas le fruit du hasard) et produit des output différents pour un même input, une machine non-triviale est à la fois dépendante du passé et analytiquement imprévisible



Von Foerster, H. (2007). Understanding understanding: Essays on cybernetics and cognition. Springer Science & Business Media.

# montée en généralité :

"pour un énoncé scientifique, elle consiste à devenir immuable pour être totalement mobile, c'est-à-dire à se stabiliser définitivement, à devenir non-modifiable, à pouvoir être confirmée par des contre-épreuves indépendamment des personnes singulières qui les font et des conditions locales, toujours particulières, où elles sont faites, à pouvoir circuler sans altération possible dans le réseau des propositions sur le monde sous la forme d'une affirmation de fait quasi-absolue (au sens de : indépendante de tout point de vue d'énonciateur), en y produisant des effets d'adhésion, de croyance et d'investissement."


"Pour une machine, la montée en généralité est aussi essentielle que pour un énoncé scientifique. Elle consiste pareillement à acquérir ce statut de mobile immuable : elle doit pouvoir se répandre, sans être altérée, dans des réseaux spatiotemporels quasi-illimités. Ce qui exige que son fonctionnement opératoire ne soit pas d'une probabilité aléatoire, qu'il ne dépende pas des interventions de ses concepteurs ou des particularités de ses utilisateurs, qu'il ne réagisse pas aux conditions locales de personnes, de lieu et de temps ; elle doit être entièrement prévisible ; il faut qu'elle suscite l'adhésion de quiconque en satisfaisant l'un ou l'autre de ses intérêts, qu'elle puisse être mise en œuvre par n'importe qui moyennant quelques opérations élémentaires strictement standardisées, et qu'elle déclenche chez ses utilisateurs un certain nombre de comportements standards, etc."


Quéré, L. (1989). Les boîtes noires de Bruno Latour ou le lien social dans la machine. Réseaux, 7(36), 95-117.



graphe avec gephi & igraph avec R

soit un graphe réalisé par les étudiants du master ERPUR 2015-16 lors de leur analyse de 5 entretiens avec les acteurs de la TVB d'une commune périurbaine d'où sont extraits un indice des relations entre ces acteurs de 0 à 3 et dont l'importance (degré) est illustrée par la taille des nœuds, des polices et des liens

voici le fichier des acteurs

Id    Label
1    Syndicat mixte
2    Conseil Regional
3    DREAL Bretagne
4    Communaute de Communes
5    Elus
6    Chambre dagriculture
7    Camp militaire
8    Cabinet specialise
9    Conseil departemental
10    Habitants
11    Agriculteurs
12    Agence de l'eau
13    Associations naturalistes
14    Monde scientifique

et voici le fichier de leurs relations (source-target) établi à travers le traitement des différents entretiens
 (labels) avec les poids de celles-ci

Source    Target    Type    Id    Label    Weight
1    8    Undirected    1    ent_Syndicat mixte    1.0
1    9    Undirected    1    ent_Syndicat mixte    1.0
1    10    Undirected    1    ent_Syndicat mixte    1.0
1    5    Undirected    1    ent_Syndicat mixte    3.0
1    11    Undirected    1    ent_Syndicat mixte    3.0
2    3    Undirected    2    ent_Conseil Regional    3.0
2    11    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    9    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    5    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    6    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    12    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    1    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
2    13    Undirected    2    ent_Conseil Regional    1.0
5    10    Undirected    4    ent_Maire    3.0
5    11    Undirected    4    ent_Maire    3.0
5    1    Undirected    4    ent_Maire    1.0
5    9    Undirected    4    ent_Maire    1.0
5    8    Undirected    4    ent_Maire   3.0
5    4    Undirected    4    ent_Maire   1.0
5    10    Undirected    5    ent_Adjoint Mairie   3.0
5    11    Undirected    5    ent_Adjoint Mairie     3.0
5    12    Undirected    5    ent_Adjoint Mairie    3.0
5    5    Undirected    5    ent_Adjoint Mairie    3.0
5    4    Undirected    5    ent_Adjoint Mairie    1.0
3    13    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    3.0
3    14    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    1.0
3    11    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    3.0
3    5    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    3.0
3    4    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    3.0
3    12    Undirected    3    ent_DREAL Bretagne    3.0

il est possible depuis Gephi d'exporter le réseau ainsi réalisé sous deux formats importables ensuite dans R : le format .net (pajek) et le format .gml

dans R,
#ouvrir igraph
> library(igraph)

#ouvrir un graphe exporté en pajek par gephi
> g <- read.graph("TVB.net", format="pajek")
> plot(g)

ou bien

#ouvrir un graphe exporté en gml par gephi
> g <- read.graph("TVB.gml", format="gml")
> plot(g)

#selon les besoins, il est possible de masquer les labels des liens de manière définitive
> E(g)$label <- NA
> plot(g)

# fixer la taille des nœuds en fonction des liens
> deg <- degree(g, mode="all")
> V(g)$size <- deg*2
> plot(g)



#pour afficher les id
>plot(g,vertex.label=V(g)$id,)




# détection des communautés sur la base de la centralité d'intermédiarité (Newman-Girvan) : la centralité d'intermédiarité (« betweenness centrality ») compte le nombre de fois où un nœud agit comme un point de passage le long du plus court chemin entre deux autres nœuds (= intermédiaire)
> ceb <- cluster_edge_betweenness(g)
> dendPlot(ceb, mode="hclust")

#représentation des résultats du cluster d'intermédiarité
> plot(ceb,g)




#pour représenter les subdivisions denses du graphe : optimisation de la modularité qui mesure la qualité d'un partitionnement des nœuds d'un réseau en communautés (parties du graphe les plus connectées entre elles, les ensembles qui ont une forte densité interne et une faible densité externe)
>cfg <- cluster_fast_greedy(as.undirected(g))
> dendPlot(cfg, mode="hclust")


#représentation des résultats du cluster de modularité
>plot(cfg, as.undirected(g))


il est possible de revenir sur Gephi et d'ouvrir la fenêtre statistiques pour calculer la modularité puis l'employer comme paramètre supplémentaire de représentation du graphe : couleurs des nœuds selon la modularité afin d'identifier les trois communautés, et tailles des nœuds selon le nombre de liens

Parameters:
Randomize: On
Use edge weights: On
Resolution: 1.0
Results:
Modularity: 0,221
Modularity with resolution: 0,221
Number of Communities: 3


#un autre algorithme permet de calculer la modularité, basé sur la méthode de Louvain (1), méthode ascendante et multi-niveau.
> cluster_louvain(g)
IGRAPH clustering multi level, groups: 3, mod: 0.23
+ groups:
  $`1`
  [1] 7
 
  $`2`
  [1]  1  5  8  9 10 11
 
  $`3`
  [1]  2  3  4  6 12 13 14
 
> groups <- membership(cluster_louvain(g))
> communities <- communities(cluster_louvain(g))
> plot.igraph(g, mark.groups = communities)


On voit qu'avec cet algorithme, la position des agriculteurs a changé, il est donc préférable de tester les méthodes et de les choisir en fonction de nos hypothèses de travail.

Par ailleurs, avant de passer à l'interprétation de ces graphes, la question que l'on doit se poser est relative à la qualité de la collecte des informations traitées : le protocole basé sur l'analyse des entretiens, le nombre de ceux-ci, hormis toute autre source de données textuelles ou d'observation, seront-il suffisant pour appuyer notre analyse ?

biblio :
[1] V. Blondel, J.-L. Guillaume, R. Lambiotte, et E. Lefebvre, « Fast unfolding of communities in large networks », Journal of Statistical Mechanics, vol. 2008, no 10, sept. 2008.

sources :
http://kateto.net/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Centralité
https://fr.wikipedia.org/wiki/Modularité

associations


Primate Cinema: Baboons as Friends from Rachel Mayeri on Vimeo.

"Pour qu’une société de babouins puisse être à la fois si souple et si serrée, il a fallu faire une hypothèse stupéfiante : il a fallu attribuer à ces petits singes des compétences sociales de plus en plus étendues afin de les rendre aptes à réparer, accomplir, consolider sans arrêt la fabrique d’une société aussi complexe et aussi peu rigide. Rien n’est simple pour un babouin dans cette société nouvelle qu’on lui a forgée. Il doit constamment déterminer qui est qui, qui est inférieur ou supérieur, qui mène ou non la troupe, qui doit laisser le passage, mais il n’a à sa disposition que des ensembles flous dont la logique porte sur l’évaluation de centaines d’éléments. A chaque instant, il faut, comme disent les ethnométhodologues, réparer l’indexicalité. Qui appelle ? Que veut-il dire ? Ni marques, ni costumes, ni signes discrets. Bien sûr, il y a de très nombreux signes, grognements et indices mais aucun n’est sans ambiguïté. Le contexte seul le dira, mais simplifier ce contexte et l’évaluer est un casse-tête de tous les instants. D’où l’impression étrange que donnent aujourd’hui ces bêtes : en pleine brousse ces animaux qui ne devraient penser qu’à bouffer et qu’à baiser, ne s’intéressent qu’à stabiliser leurs relations ou, comme Hobbes dirait, à associer durablement les corps entre eux. Avec une obstination égale à la nôtre, ils construisent une société qui est leur milieu, leur tâche, leur luxe, leur jeu, leur destin."

" Pour stabiliser une société, chacun – homme ou singe – doit produire des associations qui durent plus longtemps que les interactions leur ayant donné naissance ; par contre les stratégies et les ressources utilisées pour obtenir ce résultat changent lorsque l’on passe de la société des babouins à la société des hommes. Par exemple, au lieu d’agir sur le corps des collègues, parents, amis, on s’attache des matériaux plus solides et moins changeants pour agir plus durablement sur le corps des collègues, parents et amis. Dans l’état de nature, personne n’est assez fort pour résister à toutes les coalitions. Mais si vous transformez l’état de nature en remplaçant partout les alliances indécises par des murs et des contrats écrits, les rangs par des uniformes et des tatouages, les amitiés réversibles par des noms et des marques, vous obtiendrez un Léviathan : « Son dos, ce sont des rangées de boucliers que ferme un sceau de pierre » (Job, 41, 7)."

"La différence de taille relative, dont nous cherchons à rendre compte depuis le début de cet article, est obtenue lorsqu’un microacteur peut ajouter à l’enrôlement des corps celui du plus grand nombre de matériaux durables. Il créé ainsi de la grandeur et de la longévité. Par comparaison, il rend les autres petits et provisoires. Le secret de la différence entre les micro et les macroacteurs, tient justement à ce que l’analyse laisse le plus souvent de côté. Les primatologues omettent de dire que leurs babouins ne disposent, pour stabiliser leurs mondes, d’aucun des instruments humains que l’observateur manipule. "

"Notre analyse, au lieu de retenir les dichotomies social/technique, humain/animal, micro/macro, ne considère que les gradients de résistance, c’est à dire les variations de durée et de solidité relatives des différentes sortes de matériaux (habitudes, mots, bois, aciers, lois, institutions, gênes, sentiments ...)."

"Qu’est-ce donc qu’un sociologue? Quelqu’un qui étudie les associations et les dissociations voilà tout, comme le mot l’indique. Des associations d’hommes ? Pas seulement car il y a trop longtemps que les associations d’hommes croissent et s’étendent grâce à d’autres alliés – mots, rites, fers, bois, graines et pluies. Non, le sociologue étudie toutes les associations mais surtout la transformation d’interactions faibles en interactions fortes et vice versa.[...] La question de méthode devient alors pour le sociologue de savoir où se placer. Comme Hobbes lui-même, il doit s’installer là où le contrat est passé, là où se traduisent les forces, là où l’irréversible devient réversible et où les chréodes inversent leurs pentes."

Callon, M., & Latour, B. (2006). Le grand Léviathan s’ apprivoise-t-il?. Callon, Michel; Latour, Bruno; Akrich, Madeleine, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris, Presses de l’École des Mines de Paris, 11-32.

objet frontière

FUJIMURA, J., 1992, « Crafting science : standardized packages, boundary objects, and "translation", in Pickering », A., éd., Science as Practice and Culture, Chicago, University of Chicago Press.


la mise en entonnoir : vision du point de vue du « traducteur » : recadrage ou médiation des intérêts de différents acteurs au sein d’un étroit passage obligé, par un processus d’intéressement >>> ça passe ou ça casse  !

"Il existe un nombre indéfini de possibilité différentes permettant, pour les entrepreneurs de chaque monde social coopérant, de transformer leur propre travail en un point de passage obligé pour l’intégralité du réseau des participants." (Star & Griesemer, 1989)

une approche plus écologique, selon différents points de vues : coexistence de plusieurs processus de traduction, avec différents alliés, qui aboutissent à un objet de structure suffisamment commune à différents mondes sociaux, permettant la cohérence des PPO : >>> mise au point d’un objet frontière

"Les objets frontière sont à la fois adaptables à différents points de vue et suffisamment robustes pour maintenir leur identité à travers eux."
(Star & Griesemer, 1989)

Un "objet frontière" (ou d’interface) est un objet marquant une frontière tout en facilitant le dialogue entre des spécialistes dans la réalisation d’un projet commun pluridisciplinaire.

Cet objet est doté de « flexibilité interprétative » ce qui veut dire qu’il n’est pas le même en fonction de l’utilisation et de l’interprétation qu’on peut en faire. La « flexibilité interprétative » de l’objet-frontière lui permet d’opérer :

>comme support de traductions hétérogènes,
>comme dispositif d’intégration des savoirs,
>comme médiation dans les processus de coordination d’experts et de non-experts, etc.

Star, S. L., & Griesemer, J. R. (1989). Institutional ecology,translations’ and boundary objects: Amateurs and professionals in Berkeley’s Museum of Vertebrate Zoology, 1907-39. Social studies of science, 19(3), 387-420.
version française in Bernard Lahire, Claude Rosental2008, La cognition au prisme des sciences sociales Archives contemporaines

méthode et principes de la théorie de l'acteur réseau


Latour, B. (2005). La science en action: introduction à la sociologie des sciences. La Découverte/Poche.


Le point de vue théorique et méthodologique défendu peut être résumé en six affirmations :


1. il faut analyser la science et la technique en train de se faire, plutôt qu’une fois faites ;


2. ce qu’on découvre depuis cette perspective ce sont des stratégies d’acteurs : celles d’hommes de science et d’ingénieurs qui construisent des boîtes noires - faits scientifiques ou machines - donnant l’illusion d’exister comme réalités autonomes,    d’avoir une stabilité et de se répandre par elles-mêmes en vertu d’une sorte d’énergie interne ;


3. la construction de telles boîtes noires consiste en des opérations de liaison et d’assemblage, de constitution et de stabilisation de réseaux, d’affaiblissement et de renforcement des multiples associations dont ces réseaux sont faits ;
elle est sociale dans la mesure où elle instaure, conforte et stabilise des liens ;


4. la distinction qui est habituellement établie entre science et technique ne tient pas, car dans un cas comme dans l’autre on a fondamentalement affaire aux mêmes processus et aux mêmes opérations ; il s’agit d’un seul phénomène qu’on peut appeler "technoscience" ;


5. le lien social étant dans la machine, et vice versa, il n’y a plus lieu de maintenir la distinction habituelle entre l’objet technique et le monde social - ce ne sont là que deux fictions corrélatives - ni de concevoir l’innovation comme émergence et diffusion dans un milieu socioculturel, à consistance propre, de quelque chose qui serait en soi dépourvu de socialité et de culture ;


6. l’innovation n’est rien d’autre qu’un processus de construction de chaînes d’associations et d’organisation de réseaux stables par des machinations, par des opérations d’enrôlement et de contrôle qui masquent leur véritable nature de domination.


Quéré Louis. Les boîtes noires de Bruno Latour ou le lien social dans la machine. In: Réseaux, 1989, volume 7 n°36. pp. 95- 117.

énoncé # fait # controverse

Énoncé
1) Un énoncé ne se déplace jamais par lui-même d'un locuteur à un autre, il n'y a pas de force d'inertie qui expliquerait son mouvement.
2) Pour cette raison, le sort d'un énoncé est donc entièrement entre les mains des autres locuteurs qu'il doit intéresser ; sa destinée est, par définition, collective ; vous pouvez avoir prouvé sans conteste que la lune est un fromage, cet énoncé ne sera fait que si d'autres le répètent et le croient.
3) A cause de 1) et de 2), chaque locuteur se saisira d'un énoncé pour des raisons qui lui seront propres ; il agit comme un multi-conducteur : il peut être indifférent, hostile, il peut trahir l'énoncé, l'incorporer avec un autre, le déformer de toutes sortes de façon ou même, dans certains cas, le passer à un autre sans discussion.
4) A cause de cette traduction continue, l'énoncé va changer en passant de main en main ; chaque fois qu'il sera transféré il sera transformé et, selon toute probabilité, il sera difficile de lui attribuer un auteur bien identifié.
5) Si l'on part de cette situation agonistique, il est possible de définir, dans l'ensemble des jeux de langages, - le cas le plus rare : celui d'un énoncé cru par chaque membre du collectif sans autre dispute, et passé de main en main sans autre déformation ; - cas encore plus rare : le propriétaire de cet énoncé stable et répandu reste bien identifié et est reconnu comme tel par tout le monde : «Crick et Watson ont découvert que l'ADN avait la forme d'une double hélice. »

Fait : énoncé qui est répété par quelqu'un d'autre sans qualification pour être utilisé sans contestation comme prémisse d'un raisonnement. Selon les rapports de force, un énoncé devient un fait ou une fiction. (Latour, 1985)

Fait mou : se négocie aisément

Fait dur : énoncé accompagné de tellement d'éléments qu'il est impossible à déformer.

Controverse : lutte pour savoir celui qui est capable de rassembler en un point le plus grand nombre d'alliés fidèles et disciplinés. Si vous souhaitez convaincre un grand nombre de gens de choses inhabituelles, vous qui devez d'abord sortir de vos habituels chemins; vous reviendrez, accompagnés d'un grand nombre d'alliés imprévus et nouveaux, et vous convaincrez, c'est-à-dire que vous vaincrez tous ensemble. Encore faut- il que vous soyez capables de revenir avec les choses. Si vous en êtes incapables, vos mouvements seront perdus. Il faut donc que les choses puissent supporter le voyage sans se corrompre. Il faut aussi que toutes ces choses puissent être présentées à ceux que vous souhaitez convaincre et qui n'ont pas été là bas. Pour résumer, il faut que vous inventiez des objets qui soient mobiles, immuables, présentables, lisibles et combinables. (Latour, 1985)

Latour Bruno 1985, Les « vues » de l'esprit, Culture Technique, 14. 4-29.

verrouillage socio-technique

Kemp (1994) et Geels (2002) proposent un modèle  explicatif,    à    trois  niveaux    d’emboîtement.  

Le    paysage    (landscape)    représente    le niveau    supérieur    constitué    par    les    institutions, les normes sociales, politiques et culturelles qui guident    le    système    socio-technique    existant.  

Le régime    socio-technique    représente    le    niveau intermédiaire où se produisent les interactions entre ces institutions et ces normes du niveau supérieur    et    les    acteurs.    Ces    interactions    génèrent les règles et procédures    de    régulation du régime socio-technique dominant.   

Les niches représentent le niveau inférieur où se créent et s’organisent les innovations radicales ; le régime socio-technique dominant produisant, quant à lui, des innovations incrémentales par intégration de nouveaux composants ou de nouveaux liens entre les différents composants

les trois principaux mécanismes d’auto-renforcement (Fares & al., 2012)

• les rendements croissants à l’adoption qui sont le résultat de deux catégories d’effets interdépendants, les effets de réseaux et d’apprentissage : 

-Les effets de réseaux contribuent à renforcer la valeur d’usage d’un produit ou d’une technologie en lien avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs,

-en renforçant leur expérience, ces utilisateurs sont prescripteurs d’usage,  et transmetteurs de savoirs pertinents

• la compatibilité technologique : plus une technologie est répandue et plus des technologies complémentaires se développent, renforçant sa position dominante.    Ces effets cumulatifs augmentent ainsi la valeur d’adoption de la technologie initialement choisie.

• l’état de la connaissance des agents joue un rôle important dans le mécanisme d’auto-renforcement

structure de l’industrie semencière


Howard, P. H. (2009). Visualizing consolidation in the global seed industry: 1996–2008. Sustainability, 1(4), 1266-1287.

types d'apprentissages et types de choix

les catégories d'apprentissage de Bateson sont présentées par Roustang (2008-Double contrainte et niveaux d'apprentissage)


1/apprentissage essais-erreur au sein d'un système

2/ d'une prison à l'autre, l'illusion du changement, changement de contexte = changement de système

3/ il faut créer le contexte, c'est les contexte en gestation que voient les poètes

Voici ce qu'en dit Bateson (1977-Vers une écologie de l'esprit)

"Mais qu'en est-il du «renforcement» au Niveau III (chez le dauphin comme chez l'homme) ?
Si, comme je l'ai laissé entendre précédemment, l'être vivant est amené au Niveau III par des «contradictions» engendrées au Niveau II, nous pouvons nous attendre à ce que ce soit la résolution de ces contradictions qui constitue le renforcement positif au Niveau III. Cette résolution peut prendre plusieurs formes.
Parvenir au Niveau III peut être dangereux et nombreux sont ceux qui tombent en cours de route. La psychiatrie les désigne souvent par le terme de psychotiques; bon nombre d'entre eux se trouvent incapables d'employer le pronom de la première personne.
Pour d'autres, plus heureux, la résolution des contradictions peut correspondre à l'effondrement d'une bonne partie de ce qu'ils ont appris au Niveau II, révélant une simplicité où la faim conduit immédiatement au manger et le soi identifié n'a plus la charge d'organiser le comportement: ce sont les innocents incorruptibles de ce monde.
A d'autres encore, plus créatifs, la résolution des contradictions révèle un monde où l'identité personnelle se fond avec tous les processus relationnels, en une vaste écologie ou esthétique d'interaction cosmique. Que certains d'entre eux survivent, cela peut paraître plutôt miraculeux; c'est peut-être le fait de se laisser absorber par les petits détails de la vie qui les sauve du flot dévastateur de ce sentiment océanique. Chaque détail de l'univers est perçu comme proposant une vue de l'ensemble. C'est sans doute pour ceux-ci que Blake a écrit son fameux conseil, dans «Augures de l'Innocence»:

Voir le monde dans un grain de sable,
Et un ciel dans une fleur sauvage,
Tenir l'infini dans le creux de ta main,
Et l'éternité dans une heure."

Ces trois niveaux ont inspiré Favereau (1982 - le RCB entre deux paradigmes), repris par Ribaut (1994- Les enjeux identitaires du rayonnement par l'information : le cas du Japon)

"1/L'efficience adaptative vaut pour des décisions réversibles, c'est-à-dire pour des choix dans un domaine de choix qui n'engagent pas l'avenir autrement que par leurs résultats, ces résultats s'appréciant en termes de coûts et de bénéfices. Dans ce contexte, le choix d'un projet relève d'une efficience qui peut être qualifiée d'adaptative, car elle résulte bien d'une meilleure adaptation de l'organisation à son environnement.

2/ L'efficience structurelle vaut pour les décisions irréversibles : il s'agit d'un choix de domaine de choix, en ce sens qu'après la décision, l'ensemble des possibilités est durablement affecté, et ce, indépendamment des résultats. Les critères retenus pour évaluer les coûts et bénéfices deviennent moins aisément quantifiables : ce sont par exemple les critères autour desquels s'établit un consensus pour juger la stratégie de croissance d'une firme ou la trajectoire historique d'une collectivité. L'efficience est qualifiée de structurelle car elle résulte d'une articulation différente entre l'organisation et son environnement. L'organisation prend du poids dans la dynamique d'ensemble de l'environnement. Par exemple, la hausse de la productivité du travail dans les firmes est le détour qu'empruntent les individus pour élever leur niveau de vie.

3/Enfin, l'efficience patrimoniale vaut pour les décisions identitaires. Elle touche de près aux questions d'identité individuelle et /ou collective. Un domaine de domaines de choix est une façon abstraite, mais opératoire, de caractériser l'identité (individuelle ou collective) d'un agent (individu ou collectivité).

Les gains d'efficience recherchés à travers les trois types de décision, résultent de formes d'apprentissage organisationnel différentes :

- un apprentissage par répétition programmable pour les décisions récurrentes où l'identité du décideur n'est en aucune façon affectée.

- un apprentissage par innovations discontinues valable pour les décisions stratégiques où l'identité du décideur est affectée mais pas au point de remettre en cause l'illusion féconde du décideur responsable de la qualité de sa décision.

- un apprentissage par redéfinition de soi valable pour les décisions fondamentales ou fondatrices touchant au lien social, c'est-à-dire à la structure du réseau d'interactions sociales dans lequel s'insère et se juge la décision. Non seulement l'identité du décideur est affectée par la décision, mais la qualité de la décision se mesure à la transformation de cette identité (exemple : l'alcoolique qui veut ne plus être alcoolique, la firme qui veut modifier le style de ses rapports sociaux internes, l'administration qui veut changer la nature de son rôle dans la société)."

les trois types de choix d'après Favereau (Ribaut,1994)

"les projets d'ordre identitaire sont de nouvelles versions du contrat social en miniature. Le type de risque pertinent pour ces projets est le risque de longue période".
" Chaque fois qu'il s'agit sinon d'effacer une frontière entre un système et son environnement (pour créer une entité plus vaste), du moins de traverser, de travailler, de transformer cette frontière pour régénérer inséparablement le système et son environnement, chaque fois qu'il s'agit de reconnaître le lien entre une identité individuelle et une identité collective, il s'agit d'un travail de recomposition d'une communauté dans les trois cas". (FAVEREAU, 1982).

Bateson (1977) dit " la résolution des contradictions révèle un monde où l'identité personnelle se fond avec tous les processus relationnels, en une vaste écologie ou esthétique d'interaction cosmique."

N'est-ce pas cette éthique d'une citoyenneté mondiale ou cosmique qui offre un contexte sur lequel s'appuient celles et ceux qui orientent la destinée humaine ? 

rhizome

intermédiaires circulant au sein de l'actant-rhizome ou acteur-réseau (Callon, 1991)

extrait de

Gilles Deleuze, Félix Guattari -
Mille plateaux: Capitalisme et schizophrénie, 2

objet technique

"les objets techniques ont un contenu politique au sens où ils constituent des éléments actifs d'organisation des relations des hommes entre eux et avec leur environnement. Les objets techniques définissent dans leur configuration une certaine partition du monde physique et social, attribuent des rôles à certains types d'acteurs - humains et non-humains - en excluent d'autres, autorisent certains modes de relation entre ces différents acteurs etc... de telle sorte qu'ils participent pleinement de la construction d'une culture, au sens anthropologique du terme, en même temps qu'ils deviennent des médiateurs obligés dans toutes les relations que nous entretenons avec le "réel".

[...] Le sociologue des techniques se trouve devant un objet qui, bien que clairement défini dans son aspect physique, n'en est pas moins curieusement insaisissable: les objets techniques se donnent d'emblée comme composites, hétérogènes; mi-chair, mi-poisson, on ne sait par quel bout les prendre. Ils renvoient toujours à une fin, une utilisation pour laquelle ils sont conçus, en même temps qu'ils ne sont qu'un terme intermédiaire sur une longue chaîne qui associe hommes, produits, outils, machines, monnaies...

[...] il suffit de considérer les objets les plus banaux qui nous entourent pour constater que leur forme est toujours le résultat d'une composition de forces dont la nature est des plus diverse. La résistance des matériaux qui sont utilisés pour la construction des voitures est en rapport avec la violence supposée des chocs qu'ils peuvent avoir à subir, lesquels chocs sont liés à la vitesse des véhicules, qui elle-même est le résultat d'un compromis complexe entre performances des moteurs, réglementation en vigueur, moyens mis en œuvre pour la faire respecter, valeur attribuée aux différents comportements individuels... En retour, l'état d'une carrosserie devient ce par quoi on (les experts des assurances, la police, les badauds etc) évalue la conformité d'un comportement à la norme dont elle est une matérialisation.

Nous voyons déjà sur ce petit exemple que l’objet technique est la mise en forme et la mesure d’un ensemble de relations entre des éléments tout à fait hétérogènes."

"[...] nous nous attacherons à mettre en évidence les mécanismes élémentaires d’ajustement réciproque de l’objet technique et de son environnement. Par la définition des caractéristiques de son objet, le concepteur avance un certain nombre d’hypothèses sur les éléments qui composent le monde dans lequel l’objet est destiné à s’insérer. Il propose un « script », un « scénario » qui se veut prédétermination des mises en scène que les utilisateurs sont appelés à imaginer à partir du dispositif technique et des prescriptions (notices, contrats, conseils...) qui l’accompagnent. Mais tant qu’il ne se présente pas d’acteurs pour incarner les rôles prévus par le concepteur (ou en inventer d’autres), son projet reste à l’état de chimère: seule la confrontation réalise ou ir-réalise l’objet technique.

Si ce sont les objets techniques qui nous intéressent et non les chimères, nous ne pouvons méthodologiquement nous contenter du seul point de vue du concepteur ou de celui de l’utilisateur : il nous faut sans arrêt effectuer l’aller-retour entre le concepteur et l’utilisateur, entre l’utilisateur-projet du concepteur et l’utilisateur réel, entre le monde inscrit dans l’objet et le monde décrit par son déplacement. Car dans ce jeu incessant de bascule, seuls les rapports nous sont accessibles: ce sont les réactions des utilisateurs qui donnent un contenu au projet du concepteur, de même que l’environnement réel de l’utilisateur est en partie spécifié par l’introduction d’un nouveau dispositif. C’est dans ce cadre que doit s’entendre le sens de la description que nous proposons, comme le recensement et l’analyse des mécanismes qui permettent cette mise en rapport entre une forme et un sens que (et qui) constitue l’objet technique."

"Le problème de la panne est assez intéressant à cet égard et mériterait qu’on s’y attarde : la panne renvoie précisément à la définition que nous avons donnée de l’objet technique puisqu’elle ne peut se comprendre qu’« en acte », comme rupture de ce rapport constitué par l’objet technique entre un dispositif matériel et un usage. Toute panne est donc une épreuve de la solidité de l’assemblage « socio-technique » matérialisé par l’objet technique, la rapidité avec la recherche des causes aboutit à un consensus donnant une mesure de cette solidité."

Akrich Madeleine, 1987. Comment décrire les objets techniques ? Techniques et Culture, 9, 49-64

"Comment un automatisme est-il vraiment automatique ? Si vous commencez à regarder les dispositifs dits automatiques, qu'il s'agisse d'un ordinateur, qu'il s'agisse d'une centrale nucléaire, ou qu'il s'agisse d'un robot ménager, en fait ils sont automatiques mais avec plein de gens autour ; et de nouveau c'est le nombre de gens, le nombre d'habitudes, le nombre de situations, le nombre de pannes, autour de ces objets qui nous intéresse."
Latour Bruno, 2011. cours Sciences Po

idée élémentaire

"nous pouvons affirmer que tout système fondé d’événements et d’objets qui dispose d’une complexité de circuits causaux et d’une énergie relationnelle adéquate présente à coup sûr des caractéristiques «mentales». Il compare, c’est-à-dire qu’il est sensible et qu’il répond aux différences (ce qui s’ajoute au fait qu’il est affecté par les causes physiques ordinaires telles que l’impulsion et la force). Un tel système «traitera l’information» et sera inévitablement auto-correcteur, soit dans le sens d’un optimum homéostatique, soit dans celui de la maximisation de certaines variables.
Une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire."

Bateson Grégory, 1977. Vers une écologie de l’esprit, Tome 1, p.272

après la théorie de l'acteur réseau : vers une ontologie relationnelle

scirpes émergeant depuis leurs rhizomes qui colonisent la berge vaseuse d'un estuaire © Éric Collias

"La théorie de l'acteur-réseau est une application sans pitié de la sémiotique. Elle prétend que les entités prennent forme et acquièrent leurs attributs dans leurs relations avec d'autres entités. Dans ce modèle, les entités n'ont aucune qualités inhérentes : les divisions essentialistes sont jetées sur le bûcher du dualisme".

"La seconde histoire concerne la performativité. Parce que la sémiotique nous dit que les entités réalisent leur forme à partir des relations dans lesquelles elle sont situées. Mais cela signifie que cela nous dit aussi qu'elles sont performées au sein, par et à travers ces relations. Une conséquence est que tout est incertain et réversible, au moins en principe. Cela n'est jamais donné dans l'ordre des choses"

(Law, 1999)

fragment de clone de Scirpus maritimus (redessiné d’après Charpentier, 1998). 
Le Scirpe marin est une plante clonale de la famille des carex, connue pour
ses phases de bourgeonnement irrégulières. Le clone est composé d’un réseau
de tubercules  d’où émergent les ramets sexués des ramets végétatifs
(sans fleurs) et des tubercules (souterrains) nouveaux sans parties aériennes.(Collias, 2004)

"le mot réseau, ainsi que le terme rhizome de Deleuze et Guattari, signifie clairement une série de transformations -traductions, transductions- qui ne pourraient pas être capturées par aucun des termes traditionnels de la théorie sociale. Avec la récente popularisation du mot réseau, il signifie désormais un transport sans déformation, un accès instantané à chaque unité d'information. C'est exactement l'opposé de ce que nous avons voulu dire."

"peut-être le social possède-t-il la propriété bizarre d'être une entité circulante"

"ANT concentre l'attention sur un mouvement :

- quelque chose comme la somme des interactions de différentes sortes d'objets, d'inscriptions, formes, formules, au sein d'un lieu très petit, très local et très pratique. [...] Grand ne signifie pas réellement grand ou dominant ou surplombant, mais connecté, proche, local, médié, relié.

- l'actantialité n'est pas ce qu'un acteur effectue, mais ce que produisent les actants avec leurs actions, avec leur subjectivité, avec leur intentionnalité, avec leur moralité. [...] il n'y a rien de spécialement local, et rien de spécialement humain dans une rencontre intersubjective. J'ai proposé 'interobjectivité' comme mode d'énonciation de la nouvelle position de l'acteur.

- en suivant le mouvement tel que le permet l'ANT, nous ne sommes jamais conduits à étudier l'ordre social, dans un déplacement qui permettrait à un observateur de zoomer du global au local et du local au global.

- d'avoir transformé le social depuis ce qui était une surface, un territoire, en une circulation, fut je pense la contribution la plus utile de l'ANT."[...] si il n'y a pas de zoom allant de la macro structure aux micro interactions, si à la fois micro et macro sont des effets locaux de la manière de capturer des entités circulantes, si les contextes affluent dans des conduits étroits, cela signifie qu'il subsiste beaucoup d'espace entre les réseaux".

(Latour 1999)

système rhizomial de Scirpus maritimus élaboré durant une saison 
de croissance. En noir, le tubercule de la saison précédente avec un vestige de
rhizome (a). Tous les autres tubercules et rhizomes sont de la même saison
(Zákravsky & Hroudová 1994).

Au printemps, un tubercule âgé de la saison précédente et ayant hiverné bourgeonne
et forme de nouvelles chaînes de rhizomes d’où proviennent tiges et nouveaux tubercules.
Du début à la fin de la saison Cette croissance se déroule en quatre phases
(Dykyjova et al. 1972):
1- en début de saison, les ramets utilisent les réserves d'énergie stockées dans les
tubercules,
2- les parties souterraines poussent après que la croissance des ramets soient bien
réalisée,
3- les organes de reproduction se forment quand la biomasse aérienne est maximale,
4- les substances organiques sont transportées dans les parties souterraines au moment
de la sénescence.
A la fin de l’été, la partie aérienne des tiges meurt, alors que les tubercules et les
rhizomes persistent plusieurs années dans le sol (Charpentier 1998).
"réseau peut faire référence aussi bien au maillage d'un filet qu'au tissage, au chemin d'une dentelle, au plexus du système nerveux, ou de la toile de l'araignée. Les lignes de la toile d'araignée, par exemple, à la différence des réseaux de communication, ne connectent pas des points ni ne relient les choses. Ils sont davantage filés à partir de matériaux exsudés du corps de l'araignée et déposés avec le déplacement de l'animal. Dans ce sens ils sont des extensions de l'être véritable de l'araignée alors que celle-ci chemine dans l'environnement."
(Ingold, 2010)

"nous avons affaire ici à un élément important de la pensée Iatmul. Ces indigènes conçoivent leur communauté, non pas comme un système clos, mais comme une souche qui se ramifie et prolifère indéfiniment. Un clan grossit  et se subdivise : un village grossit et établit des colonies. L'idée d'une communauté close est sans doute incompatible avec la représentation de la communauté comme quelque chose qui se divise continuellement et évacue sa progéniture 'comme le rhizome d'un lotus'."
(Bateson, 1971)

Bateson, G., 1971. La cérémonie du Naven, trad. fr.

Charpentier A., 1998. Biologie des populations d'une espèce clonale : Architecture et fonctionnement clonal chez Scirpus maritimus dans les marais temporaires méditerranéens du sud de la France. Thèse, Montpellier.

Collias,E.,2004. Cartographie de la végétation halophile et diagnostic littoral de la rade et des estuaires du Pays de Lorient. Cap l'Orient, rapport.

Dykyjova, D., P. J. Ondok, and D. Hradecka. 1972. Growth rate and development of the root/shoot ratio in reed swamp macrophytes grown in winter hydroponic cultures. Folia Geobotanica et Phytotaxonomica 7, 259-268.

Ingold, T., 2010. Bringing things to life: Creative entanglements in a world of materials. ESRC National Centre for Research Methods, NCRM Working Paper Series 1–15.

Latour, B., 1999. On recalling ANT. The Sociological Review 47, 15–25.

Law, J., 1999. After ANT: complexity, naming and topology. The Sociological Review 47, 1–14.

Zákravsky P., Hroudová Z. 1994. The effect of submergence on tuber production and dormancy in two subspecies of Bolboschoenus maritimus. - Folia Geobot. Phytotax., Praha 29: 217-226.

acteur-réseau

"J’ai utilisé la notion d’acteur-réseau dans un travail consacré à une innovation qui est toujours pleine de promesses mais qui ne se réalise pas : le véhicule électrique. Pour expliquer l’échec, ou le succès, de cette innovation, il fallait expliquer pourquoi l’automobile à moteur thermique résistait aussi bien. La réponse était évidente. Ce qui permet à une voiture de circuler, c’est tout un complexe sociotechnique dans lequel on trouve pêle-mêle : des constructeurs d’automobile, des compagnies pétrolières avec les empires coloniaux qui leur ont permis de se développer et les guerres qui leur permettent de survivre, des connaissances métallurgiques, des modèles scientifiques pour suivre l’explosion dans les moteurs, des chaînes d’assemblages et des ouvriers spécialisés avec des bureaux d’études, des conventions collectives, une certaine forme de régulation du travail, des lois environnementales, une infrastructure routière, des permis de conduire, des systèmes de taxation, des réseaux de distribution de l’essence et du gazole, des réseaux de garages, des villes conçues pour la circulation... L’automobile équipée d’un moteur thermique prospère parce qu’est attaché à elle le monde sociotechnique dont elle a besoin, l’énorme niche écologique qui lui est nécessaire. Le véhicule électrique ne pouvait réussir que s’il était capable de construire un monde sociotechnique alternatif. C’est pour décrire le processus de la construction d’un tel monde que j’ai recouru au néologisme : acteur- réseau. Réseau parce que le véhicule électrique devait s’attacher progressivement et proprement à tous ces éléments nécessaires à sa survie et à son développement. Acteur car ce monde n’existait pas, il était à imaginer et à construire, et que cette construction ne pouvait être le fait que du réseau lui-même. Ce qui a plu dans l’expression, c’est qu’elle rendait compréhensible la combinaison de ces deux propriétés. Sa traduction ne pouvait que paraître exotique et effrayer. Avec l’acteur-réseau, les chercheurs en sciences sociales étaient en pays familier : tout le monde sait ou croit savoir ce qu’est un acteur, tout le monde sait ou croit savoir ce qu’est un réseau. L’acteur-réseau était aux sciences sociales ce que le maïs hybride a été aux sciences agricoles : le changement dans la continuité."

Callon M. et Ferrary M., Les réseaux sociaux à l’aune de la théorie de l’acteur-réseau, Sociologies Pratiques 2006/2, N° 13, p. 37-44.

liens de complexité à complexité

Hair String skirt - © Judy Watson Napangardi

"Grégory croyait que l’art, comme la religion, représente un domaine de l’expérience qui privilégie les modes de pensée créaturaux. Une œuvre d’art est le résultat d’un processus mental comme une conque, un crabe ou un corps humain. [...] Chaque œuvre d’art dépend d’un ensemble complexe de relations intérieures et peut être considérée comme l’un des nombreux exemples permettant de comprendre les ’structures qui relient’ et la nature de la ’Creatura’. "

Bateson, La peur des anges, p.267

éléments pour une sociologie de la traduction

irruption des non-humains dans les sciences humaines

2001 une odyssée de l'espace © Kubrick

#1 "ce que l'on appelle le social est matériellement hétérogène"

"Ce principe est à la fois évident et difficile à mettre en œuvre. Évident, car tout le monde sait que nos sociétés dépendent de technologies, de textes et de tout le reste. Mais leur prise en charge théorique est loin d’être aisée. En pratique, nous avons tendance à les mettre entre parenthèses ou à considérer que leur statut et leur nature sont différents de ceux des êtres humains. Ce sont des ressources ou des contraintes. Ces matériaux sont en quelque sorte passifs ; ils ne deviennent actifs que mobilisés par des acteurs en chair et en os. C’est précisément cette asymétrie qui est remise en cause par ce premier principe. Les distinctions entre conversations, textes, techniques, corps sont essentielles. Mais il n’existe aucune raison a priori pour en exclure certains de la participation à la dynamique du collectif : tous ces éléments, tous ces matériaux, contribuent à la création et à la transformation de l’ordre social."

#2 "les entités sont des réseaux de matériaux hétérogènes"

"Quand on suit un scientifique en action, ou encore la conception et la fabrication d'un énoncé scientifique ou d'un artefact technique, ce que l'on observe, c'est la multiplicité des éléments qu'ils associent et dont ils sont en quelque sorte le résumé. Nous avons appelé traduction ce processus de mise en relation. Les entités qui nous entourent, qu’elles soient des êtres humains, des objets ou des textes, sont des réalités composées parce qu’elles sont le résultat d’un processus de composition."

#3 "des entités à géométrie variable qui relancent l'action"

"Les entités qui composent les collectifs sont le résultat de mises en relation, d’associations de matériaux hétérogènes. Cela signifie que leur contenu ou leurs propriétés ne sont pas fixés une fois pour toutes, qu’ils ne sont pas donnés dans l’ordre des choses. L’identité des entités résulte des interactions en cours et évolue avec elles."

"La définition de ce qui est réalisable et de ce qui ne l’est pas se décide dans l’interaction. Il n’est pas possible, avant d’en avoir éprouvé le réalisme, de savoir comment les entités vont se comporter, et cela est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de science et de technique. "

"Dans la sociologie que nous proposons, lorsque nous disons que l’identité d’une entité se transforme, nous signifions que sa composition s’est modifiée, c’est-à-dire que le réseau dont elle est coextensive s’est transformé. Cela permet d’introduire dans l’analyse, et de manière active, tous ces non-humains sans lesquels nous serions semblables à nos frères babouins.
"

"Toute action, [...] pour s’accomplir, se prolonge dans des entités qu’elle met en forme [...] et qui à leur tour agissent, débordant – tout en la relayant – l’action initiale à laquelle elles ne sauraient être pourtant purement et simplement réduites."

#4 "des entités distribuées qui sont aussi des points"

"Une entité qui a réussi à acquérir ainsi une identité stabilisée, une enveloppe qui lui est propre, est une entité qui est en mesure de représenter le réseau des éléments qui l’ont constituée – nous disons : de traduire les différents matériaux dont elle est l’assemblage. Elle les ponctualise. Plus besoin de renégocier."

"Le réseau redevient apparent dès que les éléments qui le composent agissent de manière imprévisible."

"Pour découvrir cette double nature des entités, à la fois points et réseaux, il suffit de suivre le procès de leur configuration et de leur (éventuelle) stabilisation. Au lieu de considérer les entités comme des réalités séparées les unes des autres, éventuellement coordonnées par des règles ou des conventions, il faut les voir comme représentant des réseaux d’éléments hétérogènes, chaque élément étant à nouveau un réseau. Seul compte alors le processus historique de constitution des entités, c’est-à-dire la dynamique de leur ponctualisation et de leur déploiement."

#5 : "des collectifs actifs"

"Une des conséquences les plus contre-intuitives de l’analyse proposée est que non seulement les entités mais également les classes d’entités sont des effets ou des résultats. Des distinctions comme celles entre agents humains individuels, objets ou collectifs, ne sont pas inscrites dans l’ordre des choses."

"Chacune de ces variétés de collectifs devrait pouvoir être caractérisée par une configuration particulière. La capacité d’action stratégique, par exemple, ou plutôt ce que l’on peut appeler de manière plus générale la réflexivité, c’est-à-dire l’aptitude à caractériser une situation, à l’analyser et à agir sur elle, suppose des agencements de matériaux dans lesquels, comme l’a montré la sociologie des sciences, les textes, les inscriptions, les plans, bref tous les éléments à la fois malléables et capables de circuler, jouent un grand rôle."

#6 : "vers une sociologie des collectifs hybrides"

1•"Les non-humains ne peuvent être considérés comme de simples ressources ou contraintes.

2•"Cette participation des non-humains à l’action conduit à concevoir les entités comme des réseaux."

3•"La définition de l’entité comme un réseau associant des éléments humains et non humains – tous actifs – conduit à souligner la double dimension de l’action."

4•"Pour comprendre la dynamique de l’action ou de ce qu’il serait plus juste d’appeler les séquences d’actions, l’analyse proposée rétablit la nécessaire symétrie entre humains et non-humains."

Callon, M., Law, J., 1997. L’irruption des non-humains dans les sciences humaines: quelques leçons tirées de la sociologie des sciences et des techniques. Recherches 99–118.

réseaux techno-économiques et irréversibilité

extraits de l’article de Callon (1990)

"Cet article explore les processus hétérogènes du changement social et technique, et en particulier, la dynamique des réseau techno-économiques. Il débute en considérant la manière dont les acteurs et les intermédiaires sont constitués et se définissent mutuellement, au sein de tels réseaux au cours de la traduction. Il explore ensuite, premièrement la manière dont les parties de tels réseaux hétérogènes convergent afin de créer des espaces unifiés reliant des éléments incommensurables, et secondairement comment certains de ces liens se pérennisent et tendent à mettre en forme les futurs processus de traduction. "

1. Acteurs et intermédiaires

p.134 : La science économique nous dit que ce sont les choses qui mettent les acteurs en relations les uns avec les autres.  Par exemple, qu’un consommateur et un producteur entrent en relation via un produit. Ou qu’un employé et un employeur sont liés parce que les compétences du premier sont mobilisées et payées par le dernier. Les économistes parlent ainsi d’intermédiaires.

"un intermédiaire est tout ce qui, passant entre les acteurs, défini les relations entre eux"

Les exemples d’intermédiaires incluent les articles scientifiques, les logiciels informatiques, les corps humains disciplinés, les artefacts techniques, les instruments, les contrats et l’argent.

Les économistes nous enseignent que l’interaction implique la circulation d’intermédiaires. Les sociologues nous enseignent que les acteurs peuvent seulement être définis à travers leurs relations. Mais ce sont deux morceaux d’un même puzzle, et si nous les assemblons nous trouvons la solution.

p.135 : "les acteurs se définissent mutuellement dans l’interaction - par les intermédiaires qu’ils mettent en circulation"

1.1 Intermédiaires  (p.135)

quatre principaux types d’intermédiaires

1/textes, ou plus généralement les inscriptions (rapport, livres, articles, brevets, notes), qui circulent et forment des médias relativement immuables qui résistent au transport [mobiles immuables]

2/artefacts techniques, qui incluent instruments scientifiques, machines, robot, biens de consommation, groupe relativement stable et structuré d’entités non humaines qui ensemble réalisent certaines taches

3/les êtres humains, avec leurs compétences, savoir et savoirs-faire incorporés

4/l’argent sous différentes formes"

p.135 "Les textes comme réseaux"

p.136 "l’article scientifiques est un réseau qui crée sa description"

L’objet technique comme réseau : un objet technique peut être traité comme un programme d’action qui coordonne un réseau de rôles"

p.137 "Les objets techniques,plus ou moins explicitement, définissent et distribuent des rôles aux humains et aux non-humains. Comme les textes, ils relient ensemble des entités au sein de réseaux avec des chemins qui peuvent être décodés."

Les compétences comme réseau (p.137)
L’argent comme réseau (p.138)

Des intermédiaires purs aux intermédiaires hybrides

(p.138) : "en pratique, le monde est empli d’intermédiaires hybrides"

Décoder les intermédiaires

(p.139) : "J’ai tenté de montrer que les intermédiaires, plus ou moins explicitement, décrivent leurs réseaux. C’est à dire qu’ils décrivent une collection d’humains et de non-humains, entités individuelles et collectives. Celles-ci sont définies par leurs rôles, leurs identités, et leur programme - qui dépendent tous des relations dans lesquelles elles entrent."

deux conséquences

"sur le plan du rôle crucial joué par les intermédiaires dans l’élaboration de la forme, de l’existence et de la consistance des liens sociaux" : "les acteurs se définissent mutuellement par le moyen de leurs intermédiaires qu’ils mettent en circulation"

sur le plan méthodologique : "le social peut être lu dans les inscriptions que laissent les intermédiaires"

exemples d’intermédiaires : articles scientifiques, logiciels, corps humains disciplinés, artéfacts techniques, instruments, contrats, argent

1.2 Acteurs

(p.140) "L’action travaille par la circulation des intermédiaires". "Toutes les interactions impliquent une méthode pour imputer des intermédiaires à des auteurs. En fait, l’auteur est souvent inscrit au sein des intermédiaires."

"Un acteur est donc un intermédiaire qui met d’autres intermédiaires en circulation"

2. Réseaux  (p.142)

"Tous les groupes, acteurs et intermédiaires décrivent un réseau : ils identifient et définissent d’autre groupes, acteurs et intermédiaires, ensemble, avec avec les relations qui les tiennent ensemble.

2.2.1 Convergence (p.144)

"Après avoir parlé de traduction, je peux maintenant explorer la dynamique des réseaux - le processus complexe par lequel les acteurs et leur intermédiaires bavards (quelquefois indiscrets) se meuvent ensemble."

La convergence mesure jusqu’à quel stade le processus de traduction et sa circulation d’intermédiaires mène à un accord. 

La convergence possède deux dimensions : alignement et co-ordination"

Alignement

p.145 "Un réseau commence à se former dès que trois acteurs sont réunis par des intermédiaires. Il existe deux configurations de base possibles : "

La première est complémentaire, les relations y sont transitives.

La seconde est substitutive, C est à la fois traduit par A et B

Co-ordination

qui est vraiment acteur, comment certains intermédiaires lui sont-ils attribués - quelles sont les règles d’attachement des intermédiaires à tels acteurs- quelles sont les conventions pour définir qui parle au nom de qui ?

"Je parlerai de faible co-ordination quand je voudrai caractériser un réseau qui ne possède pas de règles locales précises" et "de forte co-ordination pour faire référence à réseau formé par des règles à la fois locales et globales, à l’étendue de traduction restreinte et au comportement relativement prédictible".

2.2.2 Frontières

p.148 "La frontière d’un réseau peut être liée à son niveau de convergence. Dès lors que tout intermédiaire peut être mis en mots ou en textes, il permettent d’analyser le corpus plus ou moins redondant de textes qui définissent les acteurs, leurs identités et leurs relations. ...Simplement compter le nombre de fois qu’une traduction est inscrite au sein du corpus pertinent de textes ou d’inscriptions [voir la métrique des mots associés].

Pour l’établissement des frontières, un élément important est la comptabilité des régimes de traduction. C’est une des dimensions de la convergence. Ainsi il existe des règles et des régulations qui distinguent le pôle scientifique et le rendent partiellement autonome de - mais en même temps le relient de manière spécifique à - la technique.

"il est possible de distinguer entre les réseaux longs et les réseaux courts"

2.2.3 Irréversibilisation

p.149 "je dirais que le degré d’irréversibilité dépend de deux choses

(a) le niveau auquel il est subséquemment impossible de revenir en arrière à un point où la traduction était une parmi d’autres

(b) le niveau auquel il forme et détermine les traductions suivantes"

"plus nombreuses et hétérogènes sont les interrelations et plus grande sera la probabilité d’un résistance victorieuse à d’autre traductions alternatives"

2.2.4 Dynamique des réseaux et ponctuation

"Quand un réseau est fortement convergent et irréversibilisé, il peut être assimilé à une boîte noire dont le comportement est connu et prédit indépendamment de son contexte. Il peut être lié à un ou plusieurs acteurs-réseau ’extérieurs’ avec lesquels il échange des intermédiaires. Sous ces conditions, il est ponctualisé au sein de ces autres réseaux."

Conclusion

p.153 "Le comportement des acteurs, et plus généralement leur définition, change avec l’état du réseau, qui lui-même est le produit d’actions préalables. Les acteurs et leurs profils d’action peuvent être caractérisés pour chaque configuration d’un réseau. Moins un réseau sera convergent, moins il sera irréversible et plus les acteurs qui le composent peuvent être compris en termes de concepts de stratégie, de négociation et de variation de buts, de projets modifiables et de changements de coalitions. Dans de telles circonstances l’analyse doit commencer avec les acteurs et renseigner leurs interactions fluctuantes. La piste est encore chaude. L’information est rare, contradictoire, asymétrique et difficile à interpréter et à employer. L’incertitude est la règle.

À l’autre extrémité, dans les réseaux totalement convergents et irréversibilisés, les acteurs deviennent des agents avec des objectifs précis et des instruments pour établir des hiérarchies, calculer des coûts et mesurer des retours [sur investissement]. La piste est froide, et l’histoire est économicisée. Les états du réseau sont connus à chaque point à chaque instant. L’information délivrée par la traduction inscrite dans les intermédiaires et parfaite (le réseau est connu et prévisible) mais limitée (elle ne va pas au delà du réseau en question). Controverses et désintéressements (pour employer le langage de la sociologie de la traduction) sont hautement improbables. Le paradoxe est que les acteurs n’ont pas le choix, dans la mesure où ils sont "agis" par le réseau qui les tiens en place. À l’inverse, ils sont en position d’action délibérée seulement quand l’information est imparfaite et asymétrique."

Callon, M., 1990. Techno-economic networks and irreversibility. The Sociological Review 38, 132–161.

macro versus micro

"Petite échelle/grande échelle : la notion de réseau nous permet de dissoudre la distinction macro/micro qui plombe la théorie sociale depuis ses débuts. L’intégralité de la métaphore d’échelle partant de l’individu à l’état nation, à travers la famille, la parenté élargie, les groupes, les institutions, etc. est remplacée par la métaphore de la connexion. 

Un réseau n’est jamais plus gros qu’un autre, il est simplement plus long ou plus intensément connecté. [...]

Au lieu d’opposer le niveau individuel à la masse, ou l’agentivité à la structure, nous suivons simplement la manière dont un élément donné devient stratégique à travers le nombre de connexions  qu’il établit et de quelle manière il perd de l’importance quand il perd ses connections."


Latour Bruno, 1996. On actor-network theory. A few clarifications plus more than a few complications, Soziale Welt, vol. 47, pp. 369-381.

le réseau contre la tyrannie des géographes


"Éloigné/proche : le premier avantage à penser en termes de réseaux est que nous nous débarrassons de la tyrannie de la distance ou de la proximité ; des éléments qui sont proches quand ils sont déconnectés peuvent être infiniment distants si leurs connexions sont analysées ; au contraire, des éléments qui apparaîtraient infiniment distants pourraient être proches quand leurs connexions sont mise en évidence.[...]

La notion de réseau nous aide à nous débarrasser de la tyrannie des géographes dans la définition de l’espace et nous offre une notion qui n’est ni sociale, ni ’réellement’ spatiale, mais composée d’associations."

Latour Bruno, 1996. On actor-network theory. A few clarifications plus more than a few complications, Soziale Welt, vol. 47, pp. 369-381.

l’école française de sociologie des sciences

l’école française de sociologie des sciences

(extrait de VINCK, D., 1991. Gestion de la Recherche: Nouveaux Problèmes, Nouveaux Outils, sous la coordination de VINCK D. De Boeck Université, Bruxelles 7, pp 14-16 )

"Les lignes de force de cette école de pensée peuvent être résumées de la manière suivante :

1. Étendre l’agnosticisme de l’observateur aux sciences sociales elles-mêmes. Il s’agit d’éviter de porter des jugements sur la façon dont les acteurs analysent leur société exactement comme le sociologue des sciences s’abstenait de porter un jugement sur les arguments scientifiques et techniques des acteurs qu’il étudie. Il s’agit donc de ne privilégier aucun point de vue sur les acteurs et d’enregistrer les incertitudes qui portent sur leur identité lorsqu’elle est controversée.

2. Le principe de symétrie généralisée de CALLON (extension du principe de symétrie de BLOOR). Il ne s’agit plus seulement d’expliquer, dans la même manière, les connaissances acceptées et les croyances rejetées. Il faut aussi rendre compte, dans les mêmes termes, des aspects techniques et des aspects sociaux. De nombreux répertoires peuvent être utilisés, à condition de ne pas en changer lorsqu’on passe d’un aspect à l’autre, par exemple, d’une innovation qui réussit à une autre qui échoue, des aspects techniques aux aspects sociaux.

3. Utiliser la libre association. Il s’agit de repérer comment les acteurs définissent et associent les différents éléments, sans imposer de grille d’analyse préétablie et de grandes distinctions a priori. L’observateur doit enregistrer l’inventaire des catégories utilisées, des entités mobilisées et des relations dans lesquelles elles entrent ainsi que de leurs remises en question permanentes. Il s’agit de rendre aux acteurs leur marge de manœuvre.

4. La théorie de la traduction (CALLON, 1976, 1982a, 1986a) et des réseaux. Il s’agit du répertoire proposé par l’école française conformément au principe méthodologique exposé au point 2 ci-avant.

— La traduction est un processus général par lequel un monde social et naturel se met progressivement en forme et se stabilise. Elle souligne la permanence des déplacements opérés. Elle permet de suivre comment les différents acteurs, notamment les scientifiques et les ingénieurs, sont constamment occupés à redéfinir et à reconstruire la société et le monde en introduisant des associations nouvelles (9). L’identité des acteurs, humains ou non-humains, leur taille et leurs intérêts sont constamment négociés tout au long du processus de traduction ; il n’y a pas de monde pré-défini. Ainsi, les acteurs décrivent un système d’alliances ou d’associations (CALLON, 1981b) entre des entités dont ils définissent à la fois l’identité, les problèmes qui s’interposent entre elles et ce qu’elles veulent. Ils définissent un acteur-monde (CALLON, 1986b) (un ensemble de problèmes et d’entités au sein duquel un acteur se rend indispensable) sans lequel aucune entité (par exemple, un objet technique) ne peut être comprise. Il s’agit ensuite de stabiliser l’identité des différentes entités et leurs liaisons en mettant en place des dispositifs d’intéressement pour interrompre les associations concurrentes (10).

— A l’idée de traduction est aussi liée celle de mobilisation d’alliés : celle-ci consiste à rendre mobiles des entités qui ne l’étaient pas. Par la désignation de porte- paroles et par la mise en place d’une cascade d’intermédiations et d’équivalences, toute une série d’acteurs sont déplacés et rassemblés en un point. Par la sélection de porte-paroles (échantillon de population, modèle animal, délégation syndicale, ratios comptables), c’est-à-dire d’entités qui parlent au nom des autres et donc qui font taire celles-ci, la mobilisation contribue à réduire le nombre d’interlocuteurs représentatifs, à convertir des entités nombreuses et hétérogènes en un plus petit nombre d’entités plus homogènes et plus facilement contrôlables (investissement de forme (THEVENOT, 1985). Certaines entités acquièrent ainsi de la force parce qu’elles réussissent à en mobiliser de nombreuses autres et à se les allier. La mobilisation se matérialise par toute une série de déplacements, de simplifications et de juxtapositions qui conduit à ponctualiser (à transformer en un point ou en une boîte noire (CALLON, 1981, LAW, 1984) un réseau d’entités solidement liées entre elles.

— Lorsqu’une traduction est réussie, elle prend la forme d’un réseau (11) contraignant pour les entités en présence. Alors qu’au début d’une traduction, un acteur avançait des hypothèses sur l’identité d’autres acteurs, leurs relations et leurs objectifs, — il composait son acteur-monde, unifié et auto-suffisant — à l’issue du processus, un réseau de liens les contraint et constitue un acteur-réseau avec ses points de passage obligés. Les éléments de l’acteur-réseau sont hétérogènes et mutuellement définis au cours de leur association.

— L’acteur-réseau a sa propre structure constamment susceptible de changer. Les réseaux et les porte-paroles sont toujours contestables. “De la traduction à la trahison, il n’y a souvent qu’un pas”. De nouveaux déplacements peuvent détourner les acteurs des points de passage obligés qui leur avaient été imposés. Les porte-paroles peuvent être dénoncés, les liaisons défaites, les réseaux se disloquer et s’irréaliser : rien n’est irréversible. Du même coup la description de la réalité sociale et naturelle se remet à fluctuer. Il n’y a plus superposition des descriptions d’un acteur à l’autre. Des controverses, par lesquelles est remise en cause, discutée, négociée ou bafouée la représentativité des porte-paroles, éclosent."

9 : Ainsi, par exemple, des chercheurs, ayant analysé le développement des techniques (LAW, 1987a, 1988a,b), ont montré que de nombreuses distinctions a priori sont non-pertinentes. Il s’agit, notamment, de la délimitation entre ce qui est acquis et ce qui ne l’est pas, entre science fondamentale et appliquée, entre facteurs sociaux et techniques, entre les acteurs participant aux controverses et les autres, entre contenus et contextes, etc.
10 : De nombreuses études ont montré qu’il était possible d’analyser l’argumentation scientifique comme un dispositif d’intéressement : CALLON, 1983, 1984, 1986b, LAW, 1982, 1983, LATOUR, 1984.
11 : La notion de réseau est utilisée pour rendre de compte des associations entre des entités hétérogènes.

CALLON M.(1976), L’opération de traduction comme relation symbolique, in P.Roqueplo, Incidences des rapports sociaux sur le développement des sciences et des techniques, Cordes, 1976
CALLON M. (1981b), LATOUR B., Unscrewing the Big Leviathan : how actors macrostructure reality and how sociologists help them to do so, in Knorr- Cetina K., Cicourel A., Advances in Social Theory and Methodology : Toward an Integration of Micro and Macro-sociologies, Routledge and Kegan Paul, London, 1981
CALLON M. (1982a), LAW J., On Interests and their transformation : Enrolment and Counter-Enrolment, Social Studies of Science, 12(4), 1982, pp 615-625
CALLON M. (1982b), LATOUR B., éds., La science telle qu’elle se fait. Anthologie de la sociologie des sciences de langue anglaise, éd.Pandore, Paris
CALLON M.(1983), BAUIN S., COURTIAL J.P., TURNER W., From translation to Problematic Networks : an Introduction to Coword Analysis, Social Science Information, 22, 2, pp 191-235.
CALLON M. (1984), BASTIDE F., BAUIN S., COURTIAL J.P., TURNER W., Les mécansimes d’intéressement dans les textes scientifiques, Cahiers STS-CNRS, 4, pp 88-105
CALLON M.(1986a), Eléments pour une sociologie de la traduction. La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc, L’année sociologique, n° 36, pp 169-208
CALLON M. (1986b), J.LAW, A.RIP, Mapping the dynamics of science and technology, The MacMillan Press, London
LATOUR B. (1984), Les microbes, Guerre et Paix, suivi de Irréductions, éd.A.M.Métailié, Paris
LAW J. (1982), WILLIAMS R., Putting facts together : a Study in Scientific Persuasion, Social Studies of Science, 12, pp 535-558
LAW J. (1983), Enrôlement et contre-enrôlement : les luttes pour la publication d’un article scientifique, Social Science Information, 22, 1983, pp 237-251
LAW J. (1984), A propos des tactiques du contrôle social : une introduction à la théorie de l’acteur-réseau, La légitimité scientifique : Cahiers Science, Technologie, Société, 4, pp 106-126, Paris, CNRS
LAW J. (1987a), CALLON M., The life and death of an aircraft : a network analysis of technical change, International Workshop on the Integration of Social and Historical Studies of Technology, University of Twente, Enschede
LAW J. (1988a), The anatomy of a sociotechnical struggle : the design of the TSR 2, in Elliot B., Technology and Social Process, Edinburgh University Press, Edinburgh, 1988
LAW J. (1988b), CALLON M., Engineering and Sociology in a Military Aircraft Project : A network Analysis of Technological Change, Social Problems, 35(3)
THEVENOT L. (1985), Les investissements de forme, Conventions Economiques, Paris, PUF

laissons les fourrés se faire

Prince sabrant le fourré entourant le château de la Belle au bois dormant ©Disney

contrairement à l’image colportée par la propagande hollywoodienne, les plantes épineuses sont des nurses, laissons donc les fourrés se faire

✪ observations : les fourrés de ronces, les landes hautes à ajoncs, les buissons de prunellier abritent de jeunes arbres et leur permettent de se développer


✪ proposition : selon un article publié en 2005 par une équipe de chercheurs*, les associations de jeunes arbres avec d’autres plantes vasculaires, souvent des fourrés, suggèrent l’effet de nurserie produit par des plantes voisines à travers leurs contributions directes ou indirectes aux performances des jeunes pousses :


- via la fourniture d’un abri vis-à-vis des températures extrêmes et des forts ensoleillements,

- grâce à l’augmentation de la disponibilité en eau à travers la re- montée d’eau, un taux plus élevé d’infiltration de l’eau et une éva- poration réduite,
- en augmentant la disponibilité des nutriments,

- en offrant un support physique,

- en réduisant la compaction et l’érosion du sol,

- en protégeant des herbivores.

*Smit, C. et al., 2005. Safe sites for tree regeneration in wooded pastures: A case of associational resistance? Journal of Vegetation Science 16: 209-214.

le nain de jardin

« L’absence de kitsch rend notre vie insupportable. Sans romantisme cela ne va pas. Le nain de jardin symbolise le droit au rêve et à la nostalgie d’un monde meilleur et plus juste.

Le nain de jardin est un rempart contre la dictature nihiliste et sans âme de notre époque.

Comme on chasse Dracula avec de l’ail et un crucifix, on chasse les dogmatiques stériles et tyranniques avec le nain de jardin.

Les rationalistes agressifs et ceux qui imaginent passivement une existence meilleure et plus belle sont divisés sur le nain de jardin.

Longtemps avant notre image chrétienne du monde, longtemps avant les dieux anciens des romains et des grecs, longtemps avant notre histoire, nous autres hommes avions le droit de parler avec les oiseaux, les animaux et les plantes et les arbres, et même avec l’eau, les pierres et les nuages, et l’on se comprenait en parlant ensemble. C’est ce qui est écrit dans les contes.

Le nain de jardin – conjointement avec les elfes, les ondines, les gnomes, les géants et toute la troupe de personnage merveilleux – est le dernier vestige de cette lointaine ère primitive.

L’homme vit au centre de son identité, en vertu de son souvenir des racines de son être. Maintenant, nous sommes très "intelligents", mais nous avons oublié le langage de la nature.

 

Voilà pourquoi le petit nain dans le jardin. Parle, toi, pour moi avec l’herbe et les oiseaux, je ne le peux plus, et demande pardon à la nature pour le mal que nous lui faisons, et aide-moi contre l’ennemi puissant et froid. Je ne le peux plus. »

Freidensreich Hundertwasser (© 2013 Hundertwasser Archiv, Wien)

le petit chemin, Hundertwasser,  1991

the four-rayed herb for curing

"It was in the Moon of Shedding Ponies [May] when we had the heyoka ceremony. One day in the Moon of Fatness [June], when everything was blooming, I invited One Side to come over and eat with me. I had been thinking about the four-rayed herb that I had now seen twice--the first time in the great vision when I was nine years old, and the second time when I was lamenting on the hill. I knew that I must have this herb for curing, and I thought I could recognize the place where I had seen it growing that night when I lamented.

After One Side and I had eaten, I told him there was a herb I must find, and I wanted him to help me hunt for it. Of course I did not tell him I had seen it in a vision. He was willing to help, so we got on our horses and rode over to Grass Creek. Nobody was living over there. We came to the top of a high hill above the creek, and there we got off our horsesand sat down, for I felt that we were close to where I saw the herb growing in my vision of the dog.

We sat there awhile singing together some heyoka songs. Then I began to sing alone a song I had heard in my first great vision: "In a sacred manner they are sending voices."

After I had sung this song, I looked down towards the west, and yonder at a certain spot beside the creek were crows and magpies, chicken hawks and spotted eagles circling around and around.

Then I knew, and I said to One Side: "Friend, right there is where the herb is growing." He said: "We will go forth and see." So we got on our horses and rode down Grass Creek until we came to a dry gulch, and this we followed up. As we neared the spot the birds all flew away, and it was a place where four or five dry gulches came together. There right on the side of the bank the herb was growing, and I knew it, although I had never seen one like it before, except in my vision."

Black Elk Speaks by John G Neihardt
http://www.firstpeople.us/articles/Black-Elk-Speaks/Black-Elk-Speaks-Index.html

épistémologie biologique

«Je vous ai proposé deux des thèmes principaux de ce que j’appellerais une épistémologie biologique.

D’abord, toute vie mentale est reliée au corps physique comme la différence, ou le contraste, est liée au statique et à l’uniforme.

Ensuite, j’ai soutenu que le regard posé sur le monde sous l’angle des choses est une distorsion entretenue par le langage, et qu’une vision correcte du monde doit se fonder sur les relations dynamiques qui contrôlent la croissance. [...]

Peut-être cela suffira-t-il à montrer que si on prenait au sérieux ce que je dis - et je le dis avec beaucoup de sérieux -, cela pourrait provoquer un changement presque total de notre façon de vivre, de la façon de concevoir nos vies, nos relations interpersonnelles et nous-mêmes. [...]

Évidemment, on peut enseigner l’histoire naturelle comme si c’était un sujet mort. Je sais cela, mais je crois aussi que la monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux nivaux individuel, familial, national et international - la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous - ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature.»

Bateson Gregory, 1998. Une Unité sacrée - Quelques pas de plus vers une écologie de l’esprit, Seuil.

ways of knowing

"Bateson acknowledged that every individual and every cultural, religious and scientific system has particular habits governing knowledge creation. However, he contended that most ways of knowing confuse “information,” or descriptions of reality, with reality itself. Local knowledge systems usually assume that the way they receive information about reality is immanent in the nature of that which is being described (Bateson 1987:21). To Bateson, this confusion is the equivalent of believing that the “name is the thing named.” We can never “know” all there is to know about an individual “thing,” but we can know something about the relations between things.

If we accept the primacy of relationships over facts, then metaphor, not classification, is the logic upon which the biological world is built. The logic of metaphor identifies and connects all living processes classifying the world. Language is, of course, unavoidably structured by the discontinuous nature of description or “naming.” One of the first steps to “new” ways of thinking about nature is to look at the limitations of any act of description (Bateson and Bateson 1987:144)."

Anne E. Kendrick 2003. Caribou Co‐management & Cross-Cultural Knowledge Sharing, Thesis

absence de négation dans l'inconscient comme dans la communication entre les organismes

"Grégory a aussi souligné que la négation est une caractérisation du seul langage humain : dans la communication entre les organismes elle est souvent remplacée par une autre forme de juxtaposition ou par une manipulation des niveaux logiques permettant de délivrer des métamessages. "

Mary Catherine Bateson, La peur des Anges

"Le processus primaire [de l’inconscient] (selon Fénichel) est caractérisé comme manquant de négation, de temps, d’identification du mode linguistique (absence d’identification de l’indicatif, du subjonctif, de l’optatif, etc.) et comme métaphorique."

Grégory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, Vol I

"Dans la communication iconique, il n’y a ni temps ni négation simple ni marqueur de mode. L’absence de négations simples est tout particulièrement intéressante, parce qu’elle oblige souvent les organismes à montrer l’opposé de ce qu’ils veulent dire, afin de laisser entendre qu’ils veulent dire l’opposé de ce qu’ils montrent.
Deux chiens, s’approchant l’un de l’autre, échangent le message : "Nous n’allons pas nous battre." Mais la seule façon dont on peut mentionner le combat dans la communication iconique est, en l’occurrence, de montrer les crocs. Il leur faut ensuite découvrir que mentionner le combat de cette façon n’était en fait qu’une démarche exploratrice. Pour cela ils doivent d’abord explorer ce que veut dire l’acte de montrer les crocs : ils sont d’abord obligé d’engager une bagarre, pour découvrir ainsi qu’aucun d’eux, en fin de compte, n’a l’intention de tuer l’autre : à partir de ce moment là, ils peuvent devenir amis."

Grégory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, Vol I

metaphor

For Bateson, metaphor, not classification, is the logic upon which the biological world is built. The logic of metaphor identifies and connects all living processes rather than defining classes. In contrast, classical logic is only possible through language and ultimately limited because of its dependence on language, unavoidably structured by the discontinuous nature of description or “naming”. Bateson described epistemology not only as a tautology, an abstract system making sense in our own terms, but as natural history or the interface between map and territory. Bateson felt that one of the first steps to new ways of thinking about nature was to look at the limitations of any act of description

Kendrick Anne, 2002. Caribou co-management in northern Canada : forstering multiple ways of knowing. In: Berkes F., Colding J and Folke, C. editors. Navigating Social-Ecological Systems: Building Resilience for Complexity and Change. Cambridge University Press, Cambridge.

command and control

Control is a deeply entrenched aspect of contemporary human societies: we control human behavior through laws, incentives, threats, contracts, and agreements; we control the effects of environmental variation by con- structing safe dwellings; we control variation in our food resources by growing and storing agricultural products; we control human parasites and pathogens through good hygiene and medical technologies. All contribute to stable societies and human health and happiness, and within certain arenas this desire to control is undeniably to our individual and collective benefit. This approach to solving problems may be collectively referred to as “command and control”    in which a problem is percived and a solution for its control is developed and implemented. The expectation is that the solution is direct, appropriate, feasible, and effective over most relevant spatial and temporal scales. Most of all, command and control is expected to solve the problem either through control of the processes that lead to the problem (e.g., good hygiene to prevent disease, or laws that direct human behavior) or through amelioration of the problem after it occurs (e.g., pharmaceuticals to kill disease organisms, or prisons or other punishment of lawbreakers). The command-and-control approach implicitly assumes that the problem is well-bounded, clearly defined, relatively simple, and generally linear with respect to cause and effect. But when these same methods of control are applied to a complex, nonlinear, and poorly understood natural world, and when the same predictable outcomes are expected but rarely obtained, severe ecological, social, and economic repercussions result.

Holling, C. S., and G. K. Meffe. 1996. Command and Control and the Pathology of Natural Resource Management. Conservation Biology 10, no. 2: 328-37.

wisdom : correcting the distortions of conscious purpose

Finally, it is appropriate to mention some of the factors which may act as correctives—areas of human action which are not limited by the narrow distortions of coupling through conscious purpose and where wisdom can obtain.

(a) Of these, undoubtedly the most important is love. Martin Buber has classified interpersonal relationships in a relevant manner. He differentiates “I-Thou” relations from “I-It” relations, defining the latter as the normal pattern of interaction between man and inanimate objects. The “I-It” relationship he also regards as characteristic of human relations wherever purpose is more important than love.

But if the complex cybernetic structure of societies and ecosystems is in some degree analogous to animation, then it would follow that an “I-Thou” relationship is conceivable between man and his society or ecosystem. In this connection, the formation of “sensitivity groups” in many depersonalized organizations is of special interest.

The arts, poetry, music, and the humanities similarly are areas in which more of the mind is active than mere consciousness would admit. “Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.” Contact between man and animals and between man and the natural world breeds, perhaps—sometimes—wisdom.

(b) There is religion.

Bateson Gregory, 1972. Steps to an ecology of mind. Chandler Pub. Co.

relational epistemology

"If the object of modernist epistemology is a totalizing scheme of separated essences, approached ideally from a separated viewpoint, the object of this animistic knowledge is understanding relatedness from a related point of view within the shifting horizons of the related viewer. Knowledge in the first case is having, acquiring, applying, and improving representations of things in-the-world. Knowledge in the second case is developping the skills of being in-the-world with other things, making one’s environment and one’s self finer, broader, deeper, richer, etc. Knowing, in the second case, grows from and is maintaining relatedness with neighboring others."

Bird-David, Nurit (1999) "Animism" revisited: On personhood, environment and relational epistemology, with CA* Comment. Current Anthropology 40s: S67-S91.

fungal model

[W]hen we come to adress the most fondamental questions about living systems, we need to think of animals, too, not as things in themselves, but as point of emergent growth within a relationnal field. What makes the fungus such a useful model is just that the pathways of relationship are manifestly traced out in its fibers (or hyphae). With animals they are more difficult to see-but they are there nonetheless. And they are there for humans too. Thus with the "fungal model", if I may call it that, being a person is not necessarly different from being an organism. In what follows I want to consider the implications of this view for the way  in wich we might understand the relations-conventionally called "ecological"-between organisms-persons and their environments.

Tim Ingold 2004. Two reflections on ecological knowledge’, in G. Sanga and G. Ortalli (ed), Nature knowledge: ethnoscience, cognition, identity (Oxford : Berghahn), pp 301-311.

whole and parts

Today, Maturana and Varela are often cited as the originators of the recursive view [instead of Bateson]. .../... They [all three] agree that biological approaches are dominated by erroneous interpretations in which a function - standing for part- of- a- whole - is considered to be as an imputed causal mechanism in nearly all of biology. Bateson contemplated ways in which a new science might take as its subject the way in which wholes and parts relate to each other. Maturana worked systematically through the alternative proposition of whole, rather than part, as causal mechanism.

Harries-Jones Peter, 2004. Revisiting Angels Fear: Recursion, Ecology and Aesthetics. SEED (1), p. 143-165.

Elementary cybernetic

Consider a tree and a man and an axe. We observe that the axe flies through the air and makes certain sorts of gashes in a pre-existing cut in the side of the tree. If now we want to explain this set of phenomena, we shall be concerned with differences in the cut face of the tree, differences in the retina of the man, differences in his central nervous system, differences in his efferent neural messages, differences in the behavior of his muscles, differences in how the axe flies, to the differences which the axe then makes on the face of the tree. Our explanation (for certain purposes) will go round and round that circuit. In principle, if you want to explain or understand anything in human behavior, you are always dealing with total circuits, completed circuits. This is the elementary cybernetic thought.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind

Imperfect coupling

Alice playing croquet with a hedgehog and a flamingo © Sir John Tenniel

By imperfect coupling of biological systems in the famous game of croquet, however, Carroll creates a meta-random game. Alice is coupled with a flamingo, and the “ball” is a hedgehog.

The “purposes” (if we may use the term) of these contrasting biological systems are so discrepant that the randomness of play can no longer be delimited with finite sets of alternatives, known to the players.

Alice’s difficulty arises from the fact that she does not “understand” the flamingo, i.e., she does not have systemic information about the “system” which confronts her. Similarly, the flamingo does not understand Alice. They are at “cross- purposes.” The problem of coupling man through consciousness with his biological environment is comparable. If consciousness lacks information about the nature of man and the environment, or if the information is distorted and inappropriately selected, then the coupling is likely to generate meta-random sequence of events.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind

The heart

These algorithms of the heart, or, as they say, of the unconscious, are, however, coded and organized in a manner totally different from the algorithms of language. And since a great deal of conscious thought is structured in terms of the logics of language, the algorithms of the unconscious are doubly inaccessible. It is not only that the conscious mind has poor access to this material, but also the fact that when such access is achieved, e.g., in dreams, art, poetry, religion, intoxication, and the like, there is still a formidable problem of translation.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind.

Mental process 2

When this recognition of difference was put together with the clear understanding that Creatura was organized into circular trains of causation, like those that had been described by cybernetics, and that it was organized in multiple levels of logical typing, I had a series of ideas all working together to enable me to think systematically about mental process as differentiated from simple physical or mechanistic sequences, without thinking in terms of two separate "substances." My book Mind and Nature: A Necessary Unity combined these ideas with the recognition that mental process and biological evolution are necessarily alike in these Creatural characteristics.


Gregory Bateson, Angels Fear

Impacts and differences

Jung’s book [Seven Sermons to the Dead ] insisted upon the contrast between Pleroma, the crudely physical domain governed only by forces and impacts, and Creatura, the domain governed by distinctions and differences. It became abundantly clear that the two sets of concepts match and that there could be no maps in Pleroma, but only in Creatura. That which gets from territory to map is news of difference, and at that point I recognized that news of difference was a synonym for information.


Gregory Bateson, Angels Fear

Bad premises

I think that Descartes’ first epistemological steps – the separation of "mind" from "matter" and the cogito – established bad premises, perhaps ultimately lethal premises, for Epistemology, and I believe that Jung’s statement of connection between Pleroma and Creatura is a much healthier first step. Jung’s epistemology starts from comparison of difference – not from matter.

Gregory Bateson, Angels Fear

Poetry



One reason why poetry is important for finding out about the world is because in poetry a set of relationships get mapped onto a level of diversity in us that we don’t ordinarily have access to. We bring it out in poetry. We can give to each other in poetry the access to a set of relationships in the other person and in the world that we’re not usually conscious of in ourselves. So we need poetry as knowledge about the world and about ourselves, because of this mapping from complexity to complexity.

Gregory Bateson, Our Own Metaphor

Mind

1. A mind is an aggregate of interacting parts or components.

2. The interaction between parts of mind is triggered by difference.

3. Mental process requires collateral energy.

4. Mental process requires circular (or more complex) chains of determination.

5. In mental process, the effects of difference are to be regarded as transforms (i.e. coded versions) of events which preceded them.

6. The description and classification of these processes of transformation disclose a hierarchy of logical types immanent in the phenomena.

7. In the mind, the information is unevenly distributed.


Gregory Bateson & Mary Catherine Bateson, Angels Fear

Mental Process

In fact, wherever information – or comparison – is of the essence of our explanation, there, for me, is mental process. Information can be defined as a difference that makes a difference. A sensory end organ is a comparator, a device which responds to difference. Of course, the sensory end organ is material, but it is this responsiveness to difference that we shall use to distinguish its functioning as "mental." Similarly, the ink on this page is material, but the ink is not my thought. Even at the most elementary level, the ink is not signal or message. The difference between paper and ink is the signal.

Gregory Bateson & Mary Catherine Bateson, Angels Fear




Contact

professionnel de l'écologie et des sciences humaines, je mène actuellement une enquête éco-anthropologique dans les marais de l'estuaire de la Loire et du bassin du Brivet, dont la Brière .

J'interviens au sein du Master "Stratégie de développement durable et périurbanisation" (ERPUR) de l'Université de Rennes 1 , et de la Licence de Géographie/parcours environnement à Rennes 2.

Ce blog rassemble des concepts issus de travaux d'anthropologie, afin d'apporter un éclairage qui puisse nous guérir de certaines de nos illusions. Il s'agit notamment de notre prétention à contrôler les phénomènes naturels, et de nous débarrasser de notre épistémologie pathologique pour une épistémologie relationnelle.

Cette épistémologie pathologique consiste à chosifier les phénomènes du monde biologique grâce à notre formidable esprit d'abstraction, au lieu de nous attarder sur les relations et analogies entre notre propre complexité intérieure et cette complexité de notre environnement (par laquelle on peut parfois se laisser surprendre d'émotion).

Après avoir exploré quelques pistes tracées par Grégory Bateson, j'explore celles ouvertes par la théorie de l'acteur-réseau de Callon et Latour  pour revenir ensuite à une écosémiotique enrichie des travaux d'Éduardo Kohn et de Suzanne Simard.




Le chant loin de son oiseau 

Dans les régions profondes des ombrages verts
On entend le loriot qui chante ;
Le chant du loriot est en un endroit encore plus profond.

Tseu du IXe siècle . Auteur inconnu
Armand Robin . Poésie non traduite . Gallimard



Éric Collias

eric.collias@orange.fr
http://pagesperso-orange.fr/ecographe
https://ecosemiotique.wordpress.com/