dans le domaine de la psychologie du courant de Palo Alto, le recadrage est une méthode pour induire un changement de perspective de l'interlocuteur vis-à-vis d'une situation ou d'un évènement particuliers, en faisant apparaître des relations qui transforment le sens que cet interlocuteur donne à cette situation ou évènement.

"Recadrer signifie modifier le contexte conceptuel et/ou émotionnel d'une situation, ou le point de vue selon lequel elle est vécue, en la plaçant dans un autre cadre, qui correspond aussi bien, ou même mieux, aux "faits" de cette situation concrète, dont le sens, par conséquent, change complètement.../... Ce qu'on modifie en recadrant, c'est le sens accordé à la situation, pas ses éléments concrets - ou, selon la sentence du philosophe Épictète (premier siècle de notre ère) : «Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes, mais l'opinion qu'ils en ont.»"

"En termes très abstraits, recadrer signifie faire porter l’attention sur une autre appartenance de classe tout aussi pertinente d’un même objet, ou surtout introduire cette nouvelle appartenance  de classe dans le système conceptuel des personnes concernées"

Watzlawick, P., Weakland, J. H., Fisch, R., & Furlan, P. (1975). Changements: paradoxes et psychothérapie. Ed. du Seuil.

chez Mermet, le recadrage est un outil stratégique du changement et s'effectue en quatre étapes essentielles

"1/Appuyer l’analyse du système d’action lié à un problème d’environnement sur une définition préalable, en termes écologiques, de l’objet environnemental à prendre  en  compte  et  des  objectifs  poursuivis.[…]

2/Prendre en compte, dans le diagnostic de la gestion de cet objet environnemental, l’ensemble des actions anthropiques qui, consciemment ou non, intentionnellement ou non, ont une influence déterminante sur ses qualités : c’est cet ensemble que l’on définit comme la «gestion effective ».[…]

3/Apporter une attention centrale aux acteurs qui ont pour  mission  principale  de  provoquer  des  changements appropriés de la gestion effective de l’objet écologique : ce sont les « acteurs d’environnement », opérateurs de la « gestion intentionnelle » […]

4/Replacer ces analyses dans la perspective dynamique d’un  système  de  gestion  qui  change  et  se  structure au  fil du  temps sous  l’effet structurant  des conflits,…"

Mermet, L., Billé, R., Leroy, M., Narcy, J. B., & Poux, X. (2005). L'analyse stratégique de la gestion environnementale: un cadre théorique pour penser l'efficacité en matière d'environnement. Natures sciences sociétés, 13(2), 127-137

chez Callon, le terme de cadrage (notamment au sein du marché) décrit le travail de démêler un élément de son contexte afin de le marchandiser :
(ici, le cadre est proche du "frame" de la sociologie d'Erwing  Goffman)

"Le cadre établit une frontière à l'intérieur de laquelle se déroulent, de manière relativement indépendante du contexte, des interactions, dont la signification et le contenu s'imposent comme une évidence aux protagonistes.
Goffman souligne la double nature du cadrage. Il suppose évidemment des acteurs qui mobilisent des ressources cognitives ainsi que des formes de comportements et de stratégies qui ont été structurés par des expériences antérieures : les acteurs sont capables de se mettre d'accord (cet accord n'ayant évidemment pas besoin d'être explicite) sur le cadre dans lequel leurs interactions vont se dérouler et sur les cours d'action possibles. Mais ce cadrage ne prend pas seulement appui sur les engagements des acteurs ; il s'ancre dans le monde extérieur, dans divers dispositifs matériels et organisationnels. C'est pourquoi le cadrage met entre parenthèses le monde extérieur mais sans pour autant abolir toute connexion avec lui. "

"La notion de cadrage désigne cette possibilité de clôture : on règle entre soi, que l'on soit deux ou mille, que l'on communique par les prix ou que l'on prenne la parole pour négocier des contrats, les problèmes d'affectation des ressources ou de transferts de propriété tout en établissant une frontière momentanément imperméable avec le reste du monde"

CALLON, M. (1999). La sociologie peut-elle enrichir l'analyse économique des externalités? Essai sur la notion de débordement. D. Foray, J. Mairesse, Innovations et performances. Approches interdisciplinaires, Paris, Éditions de lřécole des hautes études en sciences sociales.



Le cadre chez Goffman est emprunté, comme chez Watzlawick, à Bateson : « Nous nous servirons abondamment du terme de "cadre" tel que l'entend Bateson. Je soutiens que toute définition de situation est construite selon des principes d'organisation qui structurent les événements – du moins ceux qui ont un caractère social – et notre propre engagement subjectif. Le terme de "cadre" désigne ces éléments de base »

Goffman E., 1991. Les cadres de l'expérience, Paris, Ed. de Minuit.

Chez Latour, le cadre est constitué par les acteurs non-humains :

"C'est seulement en l'isolant par un cadre que l'agent peut interagir avec un autre agent, face à face, en laissant au-dehors de ce cadre le reste de leur histoire ainsi que leurs autres partenaires. L'existence même d'une interaction suppose une réduction, une partition préalable. Or comment expliquer l'existence de ces cadres, de ces partitions, de ces réductions, de ces recoins, de ces portes coupe-feu qui évitent la contagion du social ? Les interactionnistes sont muets sur ce point et se contentent d'utiliser métaphoriquement le mot "cadre".
[...]
Dans leurs interactions,les singes n'engagent presque jamais d'objets. Chez les humains, il est presque impossible de reconnaître une interaction qui ne ferait pas appel à une technique. Chez les singes, l'interaction peut proliférer, appelant à la rescousse, de proche en proche, l'ensemble de la troupe. Chez les humains, l'interaction est le plus souvent localisée, cadrée, tenue. Par quoi ? Par le cadre justement, constitué d'acteurs qui ne sont pas humains. Faut-il faire appel à la détermination par les forces matérielles ou à la puissance de la structure pour aller de l'interaction à son cadre ? Non, nous nous transportons simplement aux lieux et aux temps de la conception du cadre.
[...]
Chez les humains, en revanche,on localise activement une interaction par un ensemble de partitions,de cadres,de paravents, de coupe-feu, qui permettent de passer d'une situation complexe à une situation seulement compliquée. Un exemple banal fera comprendre cette évidence.Pendant que je suis au guichet pour acheter des timbres-poste et que je parle dans l' hygiaphone, je n'ai sur le dos ni ma famille, ni mes collègues, ni mes chefs ; la guichetière, Dieu merci, ne me fatigue pas non plus avec sa belle-mère,ni avec les dents de ses poupons. Cette heureuse canalisation, un babouin ne pourrait se la permettre puisque, dans chaque interaction, tous les autres peuvent intervenir."

Latour, B. (1994). Une sociologie sans objet ? Remarques sur l'interobjectivité. Sociologie du travail, 587-607.