Flux RSS

ecosophe

billets plus orientés vers la philosophie écologique

Fil des billets - Fil des commentaires

mardi 1 août 2017

agentivité des vivants non-humains

"Le langage et les régimes discursifs associés qui conditionnent une si large part de nos pensées et de nos actions ne sont pas clos. Bien qu'il faille bien entendu être prudent concernant la manière dont le langage (et, par extension, certains modes socialement stabilisés de pensée et d'action) naturalise des catégories de pensée, on peut s'aventurer à parler de quelque chose comme la vie « elle-même» sans être complètement contraint par la langue qui permet de l'exprimer.


Les sois non humains, en effet, possèdent des propriétés ontologiquement uniques associées à leur nature constitutivement sémiotique. Celles-ci, dans une certaine mesure, nous sont accessibles. Ces propriétés distinguent les sois des objets et des artefacts. Traiter les non-humains de façon générique – en mêlant sans discrimination les choses et les êtres – ne permet cependant pas de le voir. C'est là à mon sens le principal défaut des études de sciences et technologies, l'approche dominante lorsqu'il est question d'étendre le champ des sciences sociales pour y inclure les non-humains.

Ces études rassemblent non-humains et humains dans un même cadre analytique au moyen d'une forme de réductionnisme qui laisse dans l'ombre des concepts tels que l'agentivité et la représentation. En conséquence, les instanciations distinctivement humaines de ceux-ci deviennent les modèles de toute agentivité et de toute représentation. Cela aboutit à une forme de dualisme dans lequel humains et non-humains se voient attribuer un mélange de propriétés humanoïdes et chosiformes [...].

[...]

Cette approche de l'agentivité non humaine néglige le fait que certains non-humains, ceux qui sont vivants, sont des sois. Et en tant que sois, ils ne sont pas seulement représentés, ils représentent aussi des choses. Ils peuvent le faire sans avoir à « parler ». Ils n'ont pas non plus besoin de « porte-parole» […] car,[…], la représentation dépasse le symbolique et, par conséquent, le langage humain.

Bien que nous autres humains nous représentons les êtres vivants non humains de différentes manières culturellement, historiquement et linguistiquement distinctives, et que cela ait certainement des effets pour nous comme pour ces êtres ainsi représentés, nous vivons aussi dans des mondes au sein desquels la manière dont ces sois se représentent notre présence peut avoir une importance vitale. De la même manière, mon propos est d'explorer les interactions, non pas avec des non-humains envisagés de manière générique – c'est-à-dire en traitant les objets, les artefacts et les vies comme des entités équivalentes –, mais avec des êtres vivants non humains envisagés à partir des caractères distinctifs qui font d'eux des sois.

Les sois sont des agents, pas les choses. La résistance diffère de l'agentivité. Et […], la matérialité ne confère pas nécessairement de la vitalité. Les sois sont le produit d'une dynamique relationnelle spécifique qui implique l'absence, le futur, la croissance, de même qu'une aptitude à la confusion. Cela émerge avec les pensées vivantes, et cela leur est unique."


Kohn, E., 2017. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain. Zones sensibles. (pages 131-133)

mercredi 28 juin 2017

pensée sylvestre

Pour écouter les insectes
Pour écouter les humains nous ne mettons pas
Les mêmes oreilles


Wafû



Au-delà des humains, l'anthropologie de la forêt…avec Eduardo Kohn, France Culture 2017 05 28

16’30 question d’Aurélie Luneau : « les animaux et les plantes sont des sois qui pensent et qui nous amènent à penser autrement ? » : « c'est exactement cela »

16’49 « l’idée du livre et le titre « comment pensent les forêts », explique qu’il existe une autre forme de pensée plus grande que la notre qui comporte le mode de pensée humaine, c’est un point important dans mon ouvrage, je veux étendre la notion de la pensée, c’est une forme de pensée qui n’est pas consciente, qui n’est pas limitée par la langue ou par la culture »

17’09 « et c’est une forme de pensée que nous devons aborder à nouveau au moment où nous sommes confrontés à cette période de catastrophe écologique »

21’06 « lorsque je dis « la forêt pense », je ne dis pas que c’est la version Runa de la façon dont la forêt pense, je dis les forêts pensent, et nous pouvons penser avec elles, voilà le genre d’animisme qui m’intéresse »

23’29 « la question n’est pas tant de savoir ce à quoi pense la forêt, mais comment la forêt pense ; la pensée sylvestre est une forme de pensée, caractérisée par un certain style, une certaine forme ; habituellement, quand on considère la pensée chez l’homme, on pense aux mots, les mots sont des moyens de représenter le monde ; le mot, en tant que signe, réfère en premier lieu à d’autres signes dans un système de conventions symboliques de signifiants et de signifiés ; ce n’est qu’alors que cette référence est établie, de manière circulaire, que l’on peut s’intéresser au monde et s’expliquer dans le monde

24’39 « la sorte de pensée que la forêt produit, comme toute autre forme d’être vivant, quand il ne parle pas, est une forme de pensée différente, là les signes sont différents ; ces signes sont comme les éléments qu’ils représentent, et ils s’indiquent les uns les autres, ils se montrent les uns les autres, mais il n’y a pas ce système plus indirect que je viens de décrire »

24’53 « une des choses les plus intéressantes dans les peuples de l’Amazone, c’est qu’ils ont une forme de parler, les gens de l’Amazone comme tous les être humains sont des êtres symboliques, ils n’ont rien de différent, mais vraiment rien de différent quand à leurs capacités langagières, ou l’intérêt qu’ils portent à la langue ; mais ils se déplacent dans des espaces où cette forme de pensée n’est pas la principale »

25’24 « par exemple, ils ont une forme extrêmement développée d’usage de choses qui sont un petit peu comme des mots, je met cela entre guillemets, ce sont des éléments qui ne font pas partie du langage, […] des onomatopées ; on se dit c’est enfantin, mais c’est particulièrement sophistiqué en Amazone, ça permet certaines formes de pensée comme celle de la forêt ; par exemple une personne de l’Amazone peut décrire une chasse où un cochon est abattu, blessé, et courre vers une rivière et « tsupu » : qu’est-ce que ça veut dire ce mot là ? et bien la chose drôle est que la plupart d’entre vous et des auditeurs ne connaissent pas le quechua, mais quand je vais vous dire ce que ça veux dire,

« tsupu » ça veut dire ceci : c’est une entité qui entre en contact avec de l’eau et qui plonge sous l’eau, voyez, et immédiatement vous dites « ha ha », évidemment

donc, qu’est-ce qu’il y a de si particulier dans cette forme de pensée, parce qu’à l’intérieur de vous, bien que vous ne soyez pas ce cette culture, vous avez compris, vous vous êtes approprié ça, vous l’avez ressenti, immédiatement »

27’14 « c’est ça la différence entre une pensée symbolique où vous devez avoir une connaissance de ces mots et de la grammaire, et cependant vous pouvez ressentir cela mais vous « tsupu », vous pouvez le ressentir aussi, voilà le genre de pensée  qu’est la pensée sylvestre, elle est à l’intérieur de vous »

30’41« l’ayahuasca est une drogue psychédélique, revenons à l’étymologie grecque du mot psychédélique, cela manifeste l’esprit, et ce que produit cette drogue, c’est qu’elle permet à l’esprit de manifester comme une qualité de l’univers ; alors on amène cela dans la forêt, et la forêt est un environnement si dense, si plein de pensée, que ces qualités d’esprit de la forêt se manifestent aussi, donc il est en train de communiquer avec les esprits de la forêt, donc voilà c’est cela la vie de la forêt » 

32’05 « nous appartenons tous au même monde, il ne s’agit pas de systèmes de croyance différents, nous devons tous apprendre à nouveau à penser comme des forêts, non pas simplement en nous rendant en Amazonie, nous avons cela en nous ; mais l’Amazonie est une région qui comprend des strates très complexes de pensée et tout cela se manifeste tout particulièrement là-bas en Amazonie, donc c’est psychédélique en soi »


39’50 « la pensée sylvestre nous l’avons en nous, il faut être à l’écoute ; c’est aussi simple que de s’affranchir de son téléphone portable, que d’essayer de se rappeler nos rêves, marcher dans la forêt, méditer, voilà des activités qui encouragent la pensée sylvestre, jouer avec des enfants, s’occuper d’animaux de compagnie ; ce n’est pas quelque chose qui est seulement en Amazonie, et pourtant le défi est grand, il faut trouver des espaces où la pensée sylvestre peut continuer à prospérer »

https://www.franceculture.fr/emissions/de-cause-effets-le-magazine-de-lenvironnement/au-dela-des-humains-lanthropologie-de-la


lundi 5 juin 2017

écosémiotique de la vie

Grégory Bateson a ouvert un champ complémentaire dans l’écologie, celui de l’écologie des signes, afin d’enrichir la seule approche par les échanges d’énergie et de matière qui ne suffit pas à rendre compte de la complexité de la biosphère (Hornborg, 2001).

Dans « vers une écologie de l’esprit », paru en anglais en 1972, Bateson insistait notamment sur les prémisses fausses qui permettent à certaines idées erronées de survivre, par le simple fait que l’écologie des idées dépend de certaines de ces prémisses « programmées en dur », qui deviennent nodales à une constellation d’autres idées subséquentes. Et notre responsabilité en tant qu’éducateurs, est de former ceux qui vont œuvrer, non pas en leur donnant les bons plans d’action, mais avec les bonnes prémisses pour développer une sagesse systémique.

Bateson proposait notamment de reconsidérer notre approche basée sur une logique classificatoire, issue des catégories descriptives du langage, si nous voulions mettre en œuvre davantage de sagesse systémique dans notre confrontation à la crise écologique, et attirait notre attention sur le déterminisme multifactoriel, ou complexe de cette crise ; ne serait-il pas temps de suivre ses propositions ?

Bateson illustre ce problème avec l'exemple d'Alice jouant au cricket avec un hérisson en guise de balle et un flamant rose en guise de batte, afin de démontrer la difficulté pour notre seule conscience projective [ purposive consciousness] de coupler son organisme avec un système plus vaste comme un écosystème, et propose d'avoir recours de manière plus importante aux processus primaires, ou inconscients : 

"Dans les processus primaires, les choses et les personnes ne sont généralement pas identifiées, et le discours porte essentiellement sur les relations qui prévalent entre elles. […]

Le foyer de la « relation » est, toutefois, plus restreint que ne pourrait le laisser entendre le fait que le matériel du processus primaire est métaphorique et que, par conséquent, il n’identifie pas les relatés spécifiques. En fait, l’objet du rêve ou de tout autre matériel relevant du processus primaire est la relation, au sens le plus étroit du rapport entre « soi » et les autres ou entre « soi » et l’environnement. […] [L]es caractéristiques des processus primaires sont ceux de tout système de communication entre organismes qui ne se servent que d’une communication iconique. Ce que la conscience non assistée (par l’art les rêves, etc.) ne peut jamais apprécier, c’est la nature systémique de l’esprit."

L’art, la poésie, et la musique sont des modes de relation qui permettent de corriger l’écueil de la conscience projective : « le coeur a ses raisons que la raison ignore ».

Comme autre facteur correctif envisagés par Bateson, figurait la reconsidération de la relation Je-Cela, ou de sujet à objet, en Je-Tu, ou de sujet à sujet, que l’on pourrait traduire par la reconnaissance d’un soi aux êtres vivants non-humains, et que cette reconnaissance, qu’il qualifie d’amour, est un rempart à l’assujettissement du vivant non-humain.

L’approche écosémiotique de Bateson fut anticipée de quelques années par le travail pionnier de Jacob von Uexküll concerné par les relations intersubjectives entretenues par les organismes selon les caractéristiques propres à leurs équipements sensori-moteurs, ainsi que par les mondes subjectifs de ces organismes issus de ces mêmes caractéristiques sensori-motrices, mondes subjectifs qu’il qualifia d’Umwelten. L’exemple bien connu qu’il proposa en guise d’illustration est celui de la tique  :« Cet animal, privé d’yeux, trouve le chemin de son poste de garde à l’aide d’une sensibilité générale de la peau à la lumière. Ce brigand de grand chemin, aveugle et sourd, perçoit l’approche de ses proies par son odorat. L’odeur de l’acide butyrique, que dégagent les follicules sébacés de tous les mammifères, agit sur lui comme un signal qui le fait quitter son poste de garde et se lâcher en direction de sa proie. S’il tombe sur quelque chose de chaud (ce que décèle pour lui un sens affiné de la température), il a atteint sa proie, l’animal à sang chaud, et n’a plus besoin que de son sens tactile pour trouver une place aussi dépourvue de poils que possible, et s’enfoncer jusqu’à la tête dans le tissu cutané de celle-ci. Il aspire alors lentement à lui un flot de sang chaud »




C’est l’exemple de la tique qui inspira à Deleuze (1996) la proposition suivante « Les corps ne se définissent pas par leur genre ou leur espèce, par leurs organes et leurs fonctions, mais par ce qu’ils peuvent, par les affects dont ils sont capables, en passion comme en action. Vous n’avez pas défini un animal tant que vous n’avez pas fait la liste de ses affects. En ce sens, il y a plus de différences entre un cheval de course et un cheval de labour qu’entre un cheval de labour et un bœuf. »

Récemment, l’anthropologie a renouvelé cette approche écosémiotique, avec notamment l’ouvrage d’Éduardo Kohn (2017). Voici ce que dit Descola de l’auteur dans la préface de « Comment pensent les forêts » :  « Adoptant la triade sémiologique de Peirce – symboles, icônes, indices –, il propose que les signes iconiques (c’est-à-dire qui partagent une ressemblance avec ce dont ils tiennent lieu) et les signes indiciels (c’est-à-dire qui sont dans une relation de contiguïté spatiale et temporelle avec ce qu’ils représentent) doivent être introduits dans l’analyse anthropologique, non seulement comme des suppléments aux signes symboliques et afin d’enrichir la sémiose humaine […], mais aussi et surtout parce que les icônes et les indices sont des signes dont les organismes non humains se servent pour se représenter le monde et qui permettent à des formes de vie très différentes de communiquer. L’étude de l’usage inter-espèces des icônes et des indices offrirait ainsi un moyen d’inclure humains et non-humains à l’intérieur d’une sémiose plus englobante et fournirait la pierre angulaire d’une anthropologie « au-delà de l’humain ». Ainsi « la capacité à utiliser des indices ou des images afin de rendre présent quelque chose d’absent – soit parce qu’il n’est plus là, soit parce qu’il n’est pas encore arrivé – convertit de fait en « sois » tous les êtres qui possèdent cette disposition, c’est-à-dire, selon Kohn, tous les organismes. »


Bateson, G. (1972). Steps to an ecology of mind: Collected essays in anthropology, psychiatry, evolution, and epistemology. University of Chicago Press.
Descola, P., 2017. La forêt des signes, préface à « Kohn, E. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain ». Zones sensibles.
Deleuze, G., & Parnet, C. (1996). Dialogues (1977). Paris, Flammarion.
Hornborg, A. 2001. Vital signs : An ecosemiotic perspective on the human ecology of Amazonia. Σημειωτκή-Sign Systems Studies, (1), 121-152.
Kohn, E., 2017. Comment pensent les forêts. Vers une anthropologie au-delà de l'humain. Zones sensibles.
Uexküll, J. v., 1965. Mondes animaux et monde humain suivi de La théorie de la signification, Paris, Denoël.

mardi 16 mai 2017

material semiotics

One of the traditions that allows us to escape structure-agency dualism is that of material semiotics. This disentangles agency from intentionality. Within material semiotics, an entity counts as an actor if it makes a perceptible difference. Active entities are relationally linked with one another in webs. They make a difference to each other: they make each other be. Linguistic semiotics teaches that words give each other meaning. Material semiotics extends this insight beyond the linguistic and claims that entities give each other being: that they enact each other. In this way of thinking agency becomes ubiquitous, endlessly extended through webs of materialised relations. But where to localise agency in such a web? Where to pin it down? This becomes a matter of attribution, post hoc and after the action. In telling stories about events, some entities are detached from their background and called ‘actors’. They are made to conceal and stand for the web of relations that they cover. They become the place where explanation, moral, causal, practical, stops.

Law, J., & Mol, A., 2008. The actor-enacted: Cumbrian sheep in 2001. In Material Agency (pp. 57-77). Springer US.

lundi 27 mars 2017

continuum

"Quant à « catégories », il faut d’abord que je dise que c’est une notion très ancrée dans une certaine philosophie, en gros une pensée kantienne : la catégorie est autre chose que ce qu’elle catégorise, elle arrive de l’extérieur, généralement des sujets humains. Et s’il n’y avait pas la catégorie, il y aurait le désordre, la confusion, ou la continuité. Or catégoriser plus ou moins un continuum, ce n’est pas du tout le type d’intérêt que je poursuis. Si catégorie veut dire délimitation relativement tranchée de choses qui n’existeraient pas si cette catégorie n’était pas imposée, c’est un modèle que j’ai toujours combattu. [...] Mais le besoin de classification et de norme, d’ailleurs la notion même de « norme » ressort à un type de science sociale qui revient à découper un continuum. Hors je suis jamesien, deweyen, pragmatiste, donc c’est vraiment un type de paradigme qui ne m’intéresse pas. Je sais que la classification intéresse beaucoup les anthropologues qui reconnaissent aux autres la capacité de classer, mais ce qui leur évite de se poser la question des êtres. La classification a pris un sens central avec Durkheim et Mauss, dans les sciences sociales. Moi, c’est l’ontologie qui m’intéresse, ce n’est pas la représentation, pour le dire vite."

Fossier, A., & Gardella, É. (2006). Entretien avec Bruno Latour. Tracés. Revue de Sciences humaines, (10), 113-129.

vendredi 6 mai 2016

associations


Primate Cinema: Baboons as Friends from Rachel Mayeri on Vimeo.

"Pour qu’une société de babouins puisse être à la fois si souple et si serrée, il a fallu faire une hypothèse stupéfiante : il a fallu attribuer à ces petits singes des compétences sociales de plus en plus étendues afin de les rendre aptes à réparer, accomplir, consolider sans arrêt la fabrique d’une société aussi complexe et aussi peu rigide. Rien n’est simple pour un babouin dans cette société nouvelle qu’on lui a forgée. Il doit constamment déterminer qui est qui, qui est inférieur ou supérieur, qui mène ou non la troupe, qui doit laisser le passage, mais il n’a à sa disposition que des ensembles flous dont la logique porte sur l’évaluation de centaines d’éléments. A chaque instant, il faut, comme disent les ethnométhodologues, réparer l’indexicalité. Qui appelle ? Que veut-il dire ? Ni marques, ni costumes, ni signes discrets. Bien sûr, il y a de très nombreux signes, grognements et indices mais aucun n’est sans ambiguïté. Le contexte seul le dira, mais simplifier ce contexte et l’évaluer est un casse-tête de tous les instants. D’où l’impression étrange que donnent aujourd’hui ces bêtes : en pleine brousse ces animaux qui ne devraient penser qu’à bouffer et qu’à baiser, ne s’intéressent qu’à stabiliser leurs relations ou, comme Hobbes dirait, à associer durablement les corps entre eux. Avec une obstination égale à la nôtre, ils construisent une société qui est leur milieu, leur tâche, leur luxe, leur jeu, leur destin."

" Pour stabiliser une société, chacun – homme ou singe – doit produire des associations qui durent plus longtemps que les interactions leur ayant donné naissance ; par contre les stratégies et les ressources utilisées pour obtenir ce résultat changent lorsque l’on passe de la société des babouins à la société des hommes. Par exemple, au lieu d’agir sur le corps des collègues, parents, amis, on s’attache des matériaux plus solides et moins changeants pour agir plus durablement sur le corps des collègues, parents et amis. Dans l’état de nature, personne n’est assez fort pour résister à toutes les coalitions. Mais si vous transformez l’état de nature en remplaçant partout les alliances indécises par des murs et des contrats écrits, les rangs par des uniformes et des tatouages, les amitiés réversibles par des noms et des marques, vous obtiendrez un Léviathan : « Son dos, ce sont des rangées de boucliers que ferme un sceau de pierre » (Job, 41, 7)."

"La différence de taille relative, dont nous cherchons à rendre compte depuis le début de cet article, est obtenue lorsqu’un microacteur peut ajouter à l’enrôlement des corps celui du plus grand nombre de matériaux durables. Il créé ainsi de la grandeur et de la longévité. Par comparaison, il rend les autres petits et provisoires. Le secret de la différence entre les micro et les macroacteurs, tient justement à ce que l’analyse laisse le plus souvent de côté. Les primatologues omettent de dire que leurs babouins ne disposent, pour stabiliser leurs mondes, d’aucun des instruments humains que l’observateur manipule. "

"Notre analyse, au lieu de retenir les dichotomies social/technique, humain/animal, micro/macro, ne considère que les gradients de résistance, c’est à dire les variations de durée et de solidité relatives des différentes sortes de matériaux (habitudes, mots, bois, aciers, lois, institutions, gênes, sentiments ...)."

"Qu’est-ce donc qu’un sociologue? Quelqu’un qui étudie les associations et les dissociations voilà tout, comme le mot l’indique. Des associations d’hommes ? Pas seulement car il y a trop longtemps que les associations d’hommes croissent et s’étendent grâce à d’autres alliés – mots, rites, fers, bois, graines et pluies. Non, le sociologue étudie toutes les associations mais surtout la transformation d’interactions faibles en interactions fortes et vice versa.[...] La question de méthode devient alors pour le sociologue de savoir où se placer. Comme Hobbes lui-même, il doit s’installer là où le contrat est passé, là où se traduisent les forces, là où l’irréversible devient réversible et où les chréodes inversent leurs pentes."

Callon, M., & Latour, B. (2006). Le grand Léviathan s’ apprivoise-t-il?. Callon, Michel; Latour, Bruno; Akrich, Madeleine, Sociologie de la traduction. Textes fondateurs, Paris, Presses de l’École des Mines de Paris, 11-32.

mercredi 9 mars 2016

types d'apprentissages et types de choix

les catégories d'apprentissage de Bateson sont présentées par Roustang (2008-Double contrainte et niveaux d'apprentissage)


1/apprentissage essais-erreur au sein d'un système

2/ d'une prison à l'autre, l'illusion du changement, changement de contexte = changement de système

3/ il faut créer le contexte, c'est les contexte en gestation que voient les poètes

Voici ce qu'en dit Bateson (1977-Vers une écologie de l'esprit)

"Mais qu'en est-il du «renforcement» au Niveau III (chez le dauphin comme chez l'homme) ?
Si, comme je l'ai laissé entendre précédemment, l'être vivant est amené au Niveau III par des «contradictions» engendrées au Niveau II, nous pouvons nous attendre à ce que ce soit la résolution de ces contradictions qui constitue le renforcement positif au Niveau III. Cette résolution peut prendre plusieurs formes.
Parvenir au Niveau III peut être dangereux et nombreux sont ceux qui tombent en cours de route. La psychiatrie les désigne souvent par le terme de psychotiques; bon nombre d'entre eux se trouvent incapables d'employer le pronom de la première personne.
Pour d'autres, plus heureux, la résolution des contradictions peut correspondre à l'effondrement d'une bonne partie de ce qu'ils ont appris au Niveau II, révélant une simplicité où la faim conduit immédiatement au manger et le soi identifié n'a plus la charge d'organiser le comportement: ce sont les innocents incorruptibles de ce monde.
A d'autres encore, plus créatifs, la résolution des contradictions révèle un monde où l'identité personnelle se fond avec tous les processus relationnels, en une vaste écologie ou esthétique d'interaction cosmique. Que certains d'entre eux survivent, cela peut paraître plutôt miraculeux; c'est peut-être le fait de se laisser absorber par les petits détails de la vie qui les sauve du flot dévastateur de ce sentiment océanique. Chaque détail de l'univers est perçu comme proposant une vue de l'ensemble. C'est sans doute pour ceux-ci que Blake a écrit son fameux conseil, dans «Augures de l'Innocence»:

Voir le monde dans un grain de sable,
Et un ciel dans une fleur sauvage,
Tenir l'infini dans le creux de ta main,
Et l'éternité dans une heure."

Ces trois niveaux ont inspiré Favereau (1982 - le RCB entre deux paradigmes), repris par Ribaut (1994- Les enjeux identitaires du rayonnement par l'information : le cas du Japon)

"1/L'efficience adaptative vaut pour des décisions réversibles, c'est-à-dire pour des choix dans un domaine de choix qui n'engagent pas l'avenir autrement que par leurs résultats, ces résultats s'appréciant en termes de coûts et de bénéfices. Dans ce contexte, le choix d'un projet relève d'une efficience qui peut être qualifiée d'adaptative, car elle résulte bien d'une meilleure adaptation de l'organisation à son environnement.

2/ L'efficience structurelle vaut pour les décisions irréversibles : il s'agit d'un choix de domaine de choix, en ce sens qu'après la décision, l'ensemble des possibilités est durablement affecté, et ce, indépendamment des résultats. Les critères retenus pour évaluer les coûts et bénéfices deviennent moins aisément quantifiables : ce sont par exemple les critères autour desquels s'établit un consensus pour juger la stratégie de croissance d'une firme ou la trajectoire historique d'une collectivité. L'efficience est qualifiée de structurelle car elle résulte d'une articulation différente entre l'organisation et son environnement. L'organisation prend du poids dans la dynamique d'ensemble de l'environnement. Par exemple, la hausse de la productivité du travail dans les firmes est le détour qu'empruntent les individus pour élever leur niveau de vie.

3/Enfin, l'efficience patrimoniale vaut pour les décisions identitaires. Elle touche de près aux questions d'identité individuelle et /ou collective. Un domaine de domaines de choix est une façon abstraite, mais opératoire, de caractériser l'identité (individuelle ou collective) d'un agent (individu ou collectivité).

Les gains d'efficience recherchés à travers les trois types de décision, résultent de formes d'apprentissage organisationnel différentes :

- un apprentissage par répétition programmable pour les décisions récurrentes où l'identité du décideur n'est en aucune façon affectée.

- un apprentissage par innovations discontinues valable pour les décisions stratégiques où l'identité du décideur est affectée mais pas au point de remettre en cause l'illusion féconde du décideur responsable de la qualité de sa décision.

- un apprentissage par redéfinition de soi valable pour les décisions fondamentales ou fondatrices touchant au lien social, c'est-à-dire à la structure du réseau d'interactions sociales dans lequel s'insère et se juge la décision. Non seulement l'identité du décideur est affectée par la décision, mais la qualité de la décision se mesure à la transformation de cette identité (exemple : l'alcoolique qui veut ne plus être alcoolique, la firme qui veut modifier le style de ses rapports sociaux internes, l'administration qui veut changer la nature de son rôle dans la société)."

les trois types de choix d'après Favereau (Ribaut,1994)

"les projets d'ordre identitaire sont de nouvelles versions du contrat social en miniature. Le type de risque pertinent pour ces projets est le risque de longue période".
" Chaque fois qu'il s'agit sinon d'effacer une frontière entre un système et son environnement (pour créer une entité plus vaste), du moins de traverser, de travailler, de transformer cette frontière pour régénérer inséparablement le système et son environnement, chaque fois qu'il s'agit de reconnaître le lien entre une identité individuelle et une identité collective, il s'agit d'un travail de recomposition d'une communauté dans les trois cas". (FAVEREAU, 1982).

Bateson (1977) dit " la résolution des contradictions révèle un monde où l'identité personnelle se fond avec tous les processus relationnels, en une vaste écologie ou esthétique d'interaction cosmique."

N'est-ce pas cette éthique d'une citoyenneté mondiale ou cosmique qui offre un contexte sur lequel s'appuient celles et ceux qui orientent la destinée humaine ? 

mercredi 6 mai 2015

idée élémentaire

"nous pouvons affirmer que tout système fondé d’événements et d’objets qui dispose d’une complexité de circuits causaux et d’une énergie relationnelle adéquate présente à coup sûr des caractéristiques «mentales». Il compare, c’est-à-dire qu’il est sensible et qu’il répond aux différences (ce qui s’ajoute au fait qu’il est affecté par les causes physiques ordinaires telles que l’impulsion et la force). Un tel système «traitera l’information» et sera inévitablement auto-correcteur, soit dans le sens d’un optimum homéostatique, soit dans celui de la maximisation de certaines variables.
Une unité d’information peut se définir comme une différence qui produit une autre différence. Une telle différence qui se déplace et subit des modifications successives dans un circuit constitue une idée élémentaire."

Bateson Grégory, 1977. Vers une écologie de l’esprit, Tome 1, p.272

jeudi 30 avril 2015

liens de complexité à complexité

Hair String skirt - © Judy Watson Napangardi

"Grégory croyait que l’art, comme la religion, représente un domaine de l’expérience qui privilégie les modes de pensée créaturaux. Une œuvre d’art est le résultat d’un processus mental comme une conque, un crabe ou un corps humain. [...] Chaque œuvre d’art dépend d’un ensemble complexe de relations intérieures et peut être considérée comme l’un des nombreux exemples permettant de comprendre les ’structures qui relient’ et la nature de la ’Creatura’. "

Bateson, La peur des anges, p.267

mardi 8 janvier 2013

le nain de jardin

« L’absence de kitsch rend notre vie insupportable. Sans romantisme cela ne va pas. Le nain de jardin symbolise le droit au rêve et à la nostalgie d’un monde meilleur et plus juste.

Le nain de jardin est un rempart contre la dictature nihiliste et sans âme de notre époque.

Comme on chasse Dracula avec de l’ail et un crucifix, on chasse les dogmatiques stériles et tyranniques avec le nain de jardin.

Les rationalistes agressifs et ceux qui imaginent passivement une existence meilleure et plus belle sont divisés sur le nain de jardin.

Longtemps avant notre image chrétienne du monde, longtemps avant les dieux anciens des romains et des grecs, longtemps avant notre histoire, nous autres hommes avions le droit de parler avec les oiseaux, les animaux et les plantes et les arbres, et même avec l’eau, les pierres et les nuages, et l’on se comprenait en parlant ensemble. C’est ce qui est écrit dans les contes.

Le nain de jardin – conjointement avec les elfes, les ondines, les gnomes, les géants et toute la troupe de personnage merveilleux – est le dernier vestige de cette lointaine ère primitive.

L’homme vit au centre de son identité, en vertu de son souvenir des racines de son être. Maintenant, nous sommes très "intelligents", mais nous avons oublié le langage de la nature.

 

Voilà pourquoi le petit nain dans le jardin. Parle, toi, pour moi avec l’herbe et les oiseaux, je ne le peux plus, et demande pardon à la nature pour le mal que nous lui faisons, et aide-moi contre l’ennemi puissant et froid. Je ne le peux plus. »

Freidensreich Hundertwasser (© 2013 Hundertwasser Archiv, Wien)

le petit chemin, Hundertwasser,  1991

lundi 2 avril 2012

épistémologie biologique

«Je vous ai proposé deux des thèmes principaux de ce que j’appellerais une épistémologie biologique.

D’abord, toute vie mentale est reliée au corps physique comme la différence, ou le contraste, est liée au statique et à l’uniforme.

Ensuite, j’ai soutenu que le regard posé sur le monde sous l’angle des choses est une distorsion entretenue par le langage, et qu’une vision correcte du monde doit se fonder sur les relations dynamiques qui contrôlent la croissance. [...]

Peut-être cela suffira-t-il à montrer que si on prenait au sérieux ce que je dis - et je le dis avec beaucoup de sérieux -, cela pourrait provoquer un changement presque total de notre façon de vivre, de la façon de concevoir nos vies, nos relations interpersonnelles et nous-mêmes. [...]

Évidemment, on peut enseigner l’histoire naturelle comme si c’était un sujet mort. Je sais cela, mais je crois aussi que la monstrueuse pathologie atomiste que l’on rencontre aux nivaux individuel, familial, national et international - la pathologie du mode de pensée erroné dans lequel nous vivons tous - ne pourra être corrigée, en fin de compte, que par l’extraordinaire découverte des relations qui font la beauté de la nature.»

Bateson Gregory, 1998. Une Unité sacrée - Quelques pas de plus vers une écologie de l’esprit, Seuil.

mercredi 21 mars 2012

ways of knowing

"Bateson acknowledged that every individual and every cultural, religious and scientific system has particular habits governing knowledge creation. However, he contended that most ways of knowing confuse “information,” or descriptions of reality, with reality itself. Local knowledge systems usually assume that the way they receive information about reality is immanent in the nature of that which is being described (Bateson 1987:21). To Bateson, this confusion is the equivalent of believing that the “name is the thing named.” We can never “know” all there is to know about an individual “thing,” but we can know something about the relations between things.

If we accept the primacy of relationships over facts, then metaphor, not classification, is the logic upon which the biological world is built. The logic of metaphor identifies and connects all living processes classifying the world. Language is, of course, unavoidably structured by the discontinuous nature of description or “naming.” One of the first steps to “new” ways of thinking about nature is to look at the limitations of any act of description (Bateson and Bateson 1987:144)."

Anne E. Kendrick 2003. Caribou Co‐management & Cross-Cultural Knowledge Sharing, Thesis

absence de négation dans l'inconscient comme dans la communication entre les organismes

"Grégory a aussi souligné que la négation est une caractérisation du seul langage humain : dans la communication entre les organismes elle est souvent remplacée par une autre forme de juxtaposition ou par une manipulation des niveaux logiques permettant de délivrer des métamessages. "

Mary Catherine Bateson, La peur des Anges

"Le processus primaire [de l’inconscient] (selon Fénichel) est caractérisé comme manquant de négation, de temps, d’identification du mode linguistique (absence d’identification de l’indicatif, du subjonctif, de l’optatif, etc.) et comme métaphorique."

Grégory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, Vol I

"Dans la communication iconique, il n’y a ni temps ni négation simple ni marqueur de mode. L’absence de négations simples est tout particulièrement intéressante, parce qu’elle oblige souvent les organismes à montrer l’opposé de ce qu’ils veulent dire, afin de laisser entendre qu’ils veulent dire l’opposé de ce qu’ils montrent.
Deux chiens, s’approchant l’un de l’autre, échangent le message : "Nous n’allons pas nous battre." Mais la seule façon dont on peut mentionner le combat dans la communication iconique est, en l’occurrence, de montrer les crocs. Il leur faut ensuite découvrir que mentionner le combat de cette façon n’était en fait qu’une démarche exploratrice. Pour cela ils doivent d’abord explorer ce que veut dire l’acte de montrer les crocs : ils sont d’abord obligé d’engager une bagarre, pour découvrir ainsi qu’aucun d’eux, en fin de compte, n’a l’intention de tuer l’autre : à partir de ce moment là, ils peuvent devenir amis."

Grégory Bateson, Vers une écologie de l’esprit, Vol I

vendredi 22 avril 2011

metaphor

For Bateson, metaphor, not classification, is the logic upon which the biological world is built. The logic of metaphor identifies and connects all living processes rather than defining classes. In contrast, classical logic is only possible through language and ultimately limited because of its dependence on language, unavoidably structured by the discontinuous nature of description or “naming”. Bateson described epistemology not only as a tautology, an abstract system making sense in our own terms, but as natural history or the interface between map and territory. Bateson felt that one of the first steps to new ways of thinking about nature was to look at the limitations of any act of description

Kendrick Anne, 2002. Caribou co-management in northern Canada : forstering multiple ways of knowing. In: Berkes F., Colding J and Folke, C. editors. Navigating Social-Ecological Systems: Building Resilience for Complexity and Change. Cambridge University Press, Cambridge.

command and control

Control is a deeply entrenched aspect of contemporary human societies: we control human behavior through laws, incentives, threats, contracts, and agreements; we control the effects of environmental variation by con- structing safe dwellings; we control variation in our food resources by growing and storing agricultural products; we control human parasites and pathogens through good hygiene and medical technologies. All contribute to stable societies and human health and happiness, and within certain arenas this desire to control is undeniably to our individual and collective benefit. This approach to solving problems may be collectively referred to as “command and control”    in which a problem is percived and a solution for its control is developed and implemented. The expectation is that the solution is direct, appropriate, feasible, and effective over most relevant spatial and temporal scales. Most of all, command and control is expected to solve the problem either through control of the processes that lead to the problem (e.g., good hygiene to prevent disease, or laws that direct human behavior) or through amelioration of the problem after it occurs (e.g., pharmaceuticals to kill disease organisms, or prisons or other punishment of lawbreakers). The command-and-control approach implicitly assumes that the problem is well-bounded, clearly defined, relatively simple, and generally linear with respect to cause and effect. But when these same methods of control are applied to a complex, nonlinear, and poorly understood natural world, and when the same predictable outcomes are expected but rarely obtained, severe ecological, social, and economic repercussions result.

Holling, C. S., and G. K. Meffe. 1996. Command and Control and the Pathology of Natural Resource Management. Conservation Biology 10, no. 2: 328-37.

wisdom : correcting the distortions of conscious purpose

Finally, it is appropriate to mention some of the factors which may act as correctives—areas of human action which are not limited by the narrow distortions of coupling through conscious purpose and where wisdom can obtain.

(a) Of these, undoubtedly the most important is love. Martin Buber has classified interpersonal relationships in a relevant manner. He differentiates “I-Thou” relations from “I-It” relations, defining the latter as the normal pattern of interaction between man and inanimate objects. The “I-It” relationship he also regards as characteristic of human relations wherever purpose is more important than love.

But if the complex cybernetic structure of societies and ecosystems is in some degree analogous to animation, then it would follow that an “I-Thou” relationship is conceivable between man and his society or ecosystem. In this connection, the formation of “sensitivity groups” in many depersonalized organizations is of special interest.

The arts, poetry, music, and the humanities similarly are areas in which more of the mind is active than mere consciousness would admit. “Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point.” Contact between man and animals and between man and the natural world breeds, perhaps—sometimes—wisdom.

(b) There is religion.

Bateson Gregory, 1972. Steps to an ecology of mind. Chandler Pub. Co.

mardi 6 juillet 2010

relational epistemology

"If the object of modernist epistemology is a totalizing scheme of separated essences, approached ideally from a separated viewpoint, the object of this animistic knowledge is understanding relatedness from a related point of view within the shifting horizons of the related viewer. Knowledge in the first case is having, acquiring, applying, and improving representations of things in-the-world. Knowledge in the second case is developping the skills of being in-the-world with other things, making one’s environment and one’s self finer, broader, deeper, richer, etc. Knowing, in the second case, grows from and is maintaining relatedness with neighboring others."

Bird-David, Nurit (1999) "Animism" revisited: On personhood, environment and relational epistemology, with CA* Comment. Current Anthropology 40s: S67-S91.

vendredi 2 juillet 2010

fungal model

[W]hen we come to adress the most fondamental questions about living systems, we need to think of animals, too, not as things in themselves, but as point of emergent growth within a relationnal field. What makes the fungus such a useful model is just that the pathways of relationship are manifestly traced out in its fibers (or hyphae). With animals they are more difficult to see-but they are there nonetheless. And they are there for humans too. Thus with the "fungal model", if I may call it that, being a person is not necessarly different from being an organism. In what follows I want to consider the implications of this view for the way  in wich we might understand the relations-conventionally called "ecological"-between organisms-persons and their environments.

Tim Ingold 2004. Two reflections on ecological knowledge’, in G. Sanga and G. Ortalli (ed), Nature knowledge: ethnoscience, cognition, identity (Oxford : Berghahn), pp 301-311.

mardi 15 juin 2010

whole and parts

Today, Maturana and Varela are often cited as the originators of the recursive view [instead of Bateson]. .../... They [all three] agree that biological approaches are dominated by erroneous interpretations in which a function - standing for part- of- a- whole - is considered to be as an imputed causal mechanism in nearly all of biology. Bateson contemplated ways in which a new science might take as its subject the way in which wholes and parts relate to each other. Maturana worked systematically through the alternative proposition of whole, rather than part, as causal mechanism.

Harries-Jones Peter, 2004. Revisiting Angels Fear: Recursion, Ecology and Aesthetics. SEED (1), p. 143-165.

jeudi 10 juin 2010

Elementary cybernetic

Consider a tree and a man and an axe. We observe that the axe flies through the air and makes certain sorts of gashes in a pre-existing cut in the side of the tree. If now we want to explain this set of phenomena, we shall be concerned with differences in the cut face of the tree, differences in the retina of the man, differences in his central nervous system, differences in his efferent neural messages, differences in the behavior of his muscles, differences in how the axe flies, to the differences which the axe then makes on the face of the tree. Our explanation (for certain purposes) will go round and round that circuit. In principle, if you want to explain or understand anything in human behavior, you are always dealing with total circuits, completed circuits. This is the elementary cybernetic thought.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind

mercredi 9 juin 2010

Imperfect coupling

Alice playing croquet with a hedgehog and a flamingo © Sir John Tenniel

By imperfect coupling of biological systems in the famous game of croquet, however, Carroll creates a meta-random game. Alice is coupled with a flamingo, and the “ball” is a hedgehog.

The “purposes” (if we may use the term) of these contrasting biological systems are so discrepant that the randomness of play can no longer be delimited with finite sets of alternatives, known to the players.

Alice’s difficulty arises from the fact that she does not “understand” the flamingo, i.e., she does not have systemic information about the “system” which confronts her. Similarly, the flamingo does not understand Alice. They are at “cross- purposes.” The problem of coupling man through consciousness with his biological environment is comparable. If consciousness lacks information about the nature of man and the environment, or if the information is distorted and inappropriately selected, then the coupling is likely to generate meta-random sequence of events.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind

The heart

These algorithms of the heart, or, as they say, of the unconscious, are, however, coded and organized in a manner totally different from the algorithms of language. And since a great deal of conscious thought is structured in terms of the logics of language, the algorithms of the unconscious are doubly inaccessible. It is not only that the conscious mind has poor access to this material, but also the fact that when such access is achieved, e.g., in dreams, art, poetry, religion, intoxication, and the like, there is still a formidable problem of translation.

Gregory Bateson, Steps to an ecology of mind.

Mental process 2

When this recognition of difference was put together with the clear understanding that Creatura was organized into circular trains of causation, like those that had been described by cybernetics, and that it was organized in multiple levels of logical typing, I had a series of ideas all working together to enable me to think systematically about mental process as differentiated from simple physical or mechanistic sequences, without thinking in terms of two separate "substances." My book Mind and Nature: A Necessary Unity combined these ideas with the recognition that mental process and biological evolution are necessarily alike in these Creatural characteristics.


Gregory Bateson, Angels Fear

Impacts and differences

Jung’s book [Seven Sermons to the Dead ] insisted upon the contrast between Pleroma, the crudely physical domain governed only by forces and impacts, and Creatura, the domain governed by distinctions and differences. It became abundantly clear that the two sets of concepts match and that there could be no maps in Pleroma, but only in Creatura. That which gets from territory to map is news of difference, and at that point I recognized that news of difference was a synonym for information.


Gregory Bateson, Angels Fear

Bad premises

I think that Descartes’ first epistemological steps – the separation of "mind" from "matter" and the cogito – established bad premises, perhaps ultimately lethal premises, for Epistemology, and I believe that Jung’s statement of connection between Pleroma and Creatura is a much healthier first step. Jung’s epistemology starts from comparison of difference – not from matter.

Gregory Bateson, Angels Fear

Poetry



One reason why poetry is important for finding out about the world is because in poetry a set of relationships get mapped onto a level of diversity in us that we don’t ordinarily have access to. We bring it out in poetry. We can give to each other in poetry the access to a set of relationships in the other person and in the world that we’re not usually conscious of in ourselves. So we need poetry as knowledge about the world and about ourselves, because of this mapping from complexity to complexity.

Gregory Bateson, Our Own Metaphor

mardi 8 juin 2010

Mind

1. A mind is an aggregate of interacting parts or components.

2. The interaction between parts of mind is triggered by difference.

3. Mental process requires collateral energy.

4. Mental process requires circular (or more complex) chains of determination.

5. In mental process, the effects of difference are to be regarded as transforms (i.e. coded versions) of events which preceded them.

6. The description and classification of these processes of transformation disclose a hierarchy of logical types immanent in the phenomena.

7. In the mind, the information is unevenly distributed.


Gregory Bateson & Mary Catherine Bateson, Angels Fear

Mental Process

In fact, wherever information – or comparison – is of the essence of our explanation, there, for me, is mental process. Information can be defined as a difference that makes a difference. A sensory end organ is a comparator, a device which responds to difference. Of course, the sensory end organ is material, but it is this responsiveness to difference that we shall use to distinguish its functioning as "mental." Similarly, the ink on this page is material, but the ink is not my thought. Even at the most elementary level, the ink is not signal or message. The difference between paper and ink is the signal.

Gregory Bateson & Mary Catherine Bateson, Angels Fear