Pen Hoat Salaün : occupations mésolithiques et néolithiques en Finistère
Une fouille préventive
Fouillé en 2008 sur une surface de 3700 m² en préalable à l’aménagement d’une grande surface commerciale, sous la direction d’Eric Nicolas (INRAP) et Grégor Marchand (CNRS), le site de Pen Hoat Salaün (commune de Pleuven) a livré deux occupations, l’une rapportable au groupe de Bertheaume (premier Mésolithique / 8300–8200 avant J.-C.), l’autre à la fin du Néolithique ancien (4800-4700 avant notre ère).
Désormais, une station service couvre ce campement de chasseurs-cueilleurs (puis d’agriculteurs néolithiques), mais nous avons eu toute l’opportunité d’en enregistrer les traces.
Sur cette photographie du site IGN Géoportail, au sud-ouest du rond-point principal, sous la station-service en travaux, l’emplacement de la zone fouillée (coordonnées Lambert 2 zone étendue : X = 124636 m ; Y = 2341745).
Conditions archéologiques
Installé sur le haut d’une pente en bordure de plateau et surplombant un graben, le site domine un très vaste panorama ouvert vers le nord-est. Cette situation topographique élevée a favorisé le déplacement des sédiments sur le versant et le remaniement des pièces archéologiques, qui se répartissent dans trois unités stratigraphiques superposées (US 1 à 3). Les deux premiers sont constitués de matériaux remaniés et colluviés, provenant de l’arène granitique et des formations lœssiques résiduelles des plateaux, alors que le dernier correspond à l’horizon de sol actuel développé sur des colluvions agricoles récentes. Cette couverture a permis en outre la découverte dans un niveau archéologique inférieur (US 3), d’objets lithiques rapportés essentiellement au Mésolithique, et dans un niveau archéologique supérieur (US 2) d’un mélange de pièces rapportées au Mésolithique et au Néolithique, auxquelles sont associés, mais dans une moindre mesure, des tessons céramiques.
Dans une dimension
horizontale, il est possible de distinguer une concentration principale (zones
E6-F6) cernée par des bancs granitiques altérés et une autre sur la pente (zone
D4), toutes deux attribuables au premier Mésolithique, tandis que les vestiges
néolithiques gisaient principalement dans l’US médiane (US 2) et formaient un
bruit de fond en périphérie d’un habitat plus au sud, très dégradé et resté
inexploré.
Occupations mésolithiques (groupe de Bertheaume)
Les datations par le
radiocarbone obtenues autorisent à placer l’occupation mésolithique à la fin du
9ème millénaire avant notre ère, soit un positionnement un peu plus
ancien que les dates déjà connues. Ce programme de datations fut aussi
l’occasion de nous prévenir des dangers d’une prise en compte des seules
noisettes brûlées dans ce type de contexte sédimentaire. Le silex exploités
sous forme de galets littoraux représente 98,8 % du mobilier, grès éocène et
ultramylonite de Tréméven apparaissant de manière très marginale. Le débitage
lamellaire se fait selon une exploitation semi-tournante, avec une
différentiation nette entre le centre de la table dédié aux lamelles étroites à
extrémité effilées et les bords de cette surface de débitage, qui livrent des
produits plus larges (lamelles et éclats lamellaires), à bords légèrement
convexes, avec parfois un peu de cortex en partie latérale ou disto-latérale,
et un profil torse. Le débitage est unipolaire en phase terminale, mais au
préalable, il fut parfois bipolaire et séquentiel. Les armatures identifiées ne
dépareillent pas dans le concert des industries du groupe de Bertheaume :
lamelles étroites (2-3 mm) à un ou deux bords abattus, triangles scalènes assez
courts, divers types de pointes, dont celles à deux bords abattus et base
brute, et de très rares triangles isocèles et segments. Un grand nombre de
galets utilisés en percussion lancée ou posée a également été découvert, de
même que des boulettes d’ocre et un grès à rainure.
L’absence de structures aménagées en lien avec ces occupations mésolithiques, observation déjà effectuée lors des sondages sur d’autres sites, n’est pas liée à l’érosion, mais reflète soit des pratiques culturelles originales, soit un type d’habitat particulier dans les cycles de mobilité. Les analogies typologiques mobilisées dans cet article permettent de discuter des rapprochements culturels proposés autrefois, en tenant compte des interactions entre traditions techniques régionales connues dans le premier Mésolithique.
Occupations néolithiques
Au nombre de 763, les tessons
de céramique montrent des formes en bol ou en bouteille ; les décors sont
dominés par des panneaux de boutons au repoussé, des cordons – dont une petite
partie est décorée d’impressions digitées – et des nervures en relief, ainsi
que par des impressions à la pointe mousse ou à la spatule. Si on peut
distinguer quelques caractères différents en proportions entre les deux
assemblages lithiques, force est de constater l’absence des outils
caractéristiques du Néolithique ancien ou moyen (armatures, perçoirs, burins),
mais aussi la disparition des séquences laminaires si caractéristiques du
Villeneuve-Saint-Germain dans la région au profit d’une production d’éclats.
Une hache en gneiss à muscovite et à sillimanite et un fragment d’anneau en schiste accompagnent ce maigre outillage. La première trouve des références dans le monde des haches socialement valorisées, dites aussi carnacéennes, avec une origine alpine possible si l’on en croit son type (probablement type Bégude repolie), quoique ces roches soient aussi présentes sur le Massif armoricain. Découvert en 2007 dans une tranchée de diagnostic à 100 mètres au sud-ouest de l’emprise de la fouille, un anneau-disque en serpentinite apparaît comme une autre pièce exceptionnelle, originaire peut-être des Alpes, quoiqu’une provenance locale soit discutée. Sans être strictement associées aux tessons, quatre dates par le radiocarbone réalisées sur brindilles brûlées indiquent la plage chronologique 4800-4700 avant notre ère. Même s’il est hors de question de parler d’association, l’assemblage de Pen Hoat Salaün offre un bon aperçu des traits stylistiques et techniques de la fin du Néolithique ancien, en prélude au Castellic.
Cette fouille préventive a été montée et suivie au Service régional de
l’archéologie de Bretagne par Jean-Yves Tinévez et Stéphane Deschamps. Elle a été
réalisée par l’INRAP en partenariat avec le CNRS, sous la direction d’Eric
Nicolas et de Grégor Marchand. L’aménageur était Pierre Guerveno (SAS Ardan).
L’étude géomorphologique a été réalisée par Valérie Deloze, l’étude
micromorphologique par Carole Vissac, l’étude anthracologique par Nancy
Marcoux. Le tri du mobilier lithique et les décomptes ont été effectués par
Laurent Juhel, Grégor Marchand et Éric Nicolas ; l’étude technologique et
typologique fut du ressort de Laurent Juhel. Le mobilier céramique a été étudié
par Xavier Hénaff. Les pièces lithiques polies ont été analysées par Yvan
Pailler, Jean-René Darboux et Michel Errera.
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