Durant le septième millénaire avant J.-C., des
changements importants sont constatés dans les industries lithiques d’Europe
occidentale, qui nous autorisent à distinguer le premier et le second
Mésolithique.
- Quels sont les
éléments stables et invariants de cet assemblage technique sur toute l’aire
géographique considérée (Europe occidentale continentale et Afrique du
Nord) ?
- Quelles sont
les logiques techniques ou fonctionnelles qui président à sa constitution et à
sa pérennité ?
- Les
changements de standards répondent-ils à l’introduction de nouvelles fonctions
ou de nouvelles matières travaillées ?
- Le reste de
l’outillage en os ou en coquille évolue-t-il également et de quelle
manière ?
En
gardant à l’esprit ce vaste champ de recherche technologique qui ne fait que
s’ouvrir, nous souhaitons ici seulement présenter une enquête très partielle
concernant l’une de ces composantes techniques, les lames à coche simple ou à
coches multiples (dites aussi « lames Montbani »), pour en affiner la
définition sur des bases non plus seulement morphologiques mais également
fonctionnelles
Un récent travail a associé des technologues à des
tracéologues (menés par Bernard Gassin) pour tenter de comprendre le
fonctionnement de ces outils emblématiques. Nous avons étudié un échantillon de
lames à coches provenant de différents sites mésolithiques du VIIe
et du VIe millénaire av. J.-C. : Beg-an-Dorchenn, L’Essart, La
Grange (Ouest de la France), Noyen-sur-Seine, Choisy-au-Bac (Bassin parisien),
Verrebroek Aven Ackers et Oudenaarde (Belgique), Mourre de Sève (Provence), La
Grande Rivoire (Alpes), Dammartin-Marpain (Jura).
Dans le corpus étudié, les coches sont
systématiquement directes et le plus souvent obtenues par flexion. L’analyse
fonctionnelle montre que les coches sont utilisées comme outils de raclage. La
dissymétrie des polis observés sur la face inférieure et sur la face supérieure
(face retouchée) indique que la face supérieure est systématiquement en
position de face d’attaque, avec un angle d’attaque voisin de 90° : il s’agit
d’un raclage en coupe négative. Cette position d’utilisation est incompatible
avec un détachement d’enlèvements d’utilisation en face supérieure. Nous
concluons donc que les coches résultent d’une retouche volontaire et non d’un
processus d’écaillage en cours d’utilisation. Il apparaît clairement que chaque
coche est une zone d’utilisation autonome, utilisée par une faible longueur de
tranchant.
La variabilité des traces d’usure observées suggère
que différents matériaux ont été travaillés, parmi lesquels différents végétaux
(bois, plantes souples siliceuses de différentes natures), et, probablement,
des matières osseuses. Ainsi, ces outils emblématiques du second Mésolithique
résultent d’un processus technique volontaire et correspondent à des finalités
fonctionnelles spécifiques.
Surgères, La Grange. Lame Sondage C, D23 sud, couche 5.
1 : raclage de matière végétale en coupe négative, face d’attaque en face
supérieure. Le poli est interrompu par un enlèvement de retouche, suivi d’une
deuxième utilisation. 2 : raclage de matière indéterminée. 3 : raclage
de matière indéterminée (usure peu développée). 4 : raclage en coupe
négative de matière végétale, face d’attaque en face supérieure. 5 :
contact ponctuel avec une matière dure. 6 : raclage bref, usure peu
développée. 7 : utilisation brève, usure peu développée. Photographies des
zones d’utilisation 1 et 4 : grossissement initial 200 X. a, c : poli uni
"mou", face d’attaque ; b, d : biseau poli lisse convexe, face en
dépouille (photographies et montage de Bernard Gassin).
Publication
dans :
Gassin
B., Marchand G., Claud E., Gueret C., Philibert S., 2013 - Les lames à coche du
second Mésolithique : des outils dédiés au travail des plantes ? Bulletin de la
Société Préhistorique Française, 110, n°1, janvier-mars 2013.