Ce fragment de la villa des Bosséno de Carnac montre l’utilisation de Littorina obtusata et de Gibbula sp. Plus que le coquillage c’est sa forme et sa couleur qui interviennent dans le décor. Ici un petit caillou roulé de quartz vient remplacer une littorine obtuse. Une perforation sur une littorine obtuse et au niveau de l’apex de la gibbule montrent que ces coquilles étaient dépourvues de l’animal lors de leur collecte. / This fragment of the villa Bosséno (Carnac) shows the use of Littorina obtusata and Gibbula sp. More than the shell, it is its shape and its color which occur in the decor. Here, a small quartz pebble is replacing a Littorina obtusata. A perforation on the last whorl of a Littorina obtusata and on the top of an apex of a Gibbula sp. show that these shells were devoid of the animal during their collection.


Résumé


L’ouest de la Gaule présente un groupe de décors particuliers : les enduits à incrustation de coquillages. Des décors similaires sont connus en Italie et sur d’autres sites de Gaule, mais ils apparaissent toutefois beaucoup plus nombreux en Armorique et présentent des caractéristiques stylistiques et techniques qui les distinguent et permettent de constituer un groupe régional. Tout d’abord, ils paraissent s’affranchir de la mixité de matériaux caractéristiques de l’opus musivum pour ne conserver que les seuls coquilles comme éléments d’incrustation, au détriment des tesselles, boules de bleu égyptien, pierres ponces et autres rocailles. Seuls quelques décors associent le stuc à l’incrustation de coquillages. La très grande majorité des enduits qui nous sont parvenus, utilisent les coquillages en remplissage sur des fonds souvent vivement colorés et cernés de traits noirs. Les motifs géométriques évoquent plutôt des décors à réseau. Le plus souvent, l’emploi de cette technique est réservé au décor des plafonds et presque toujours en contexte thermal.

Ce style décoratif marque aussi clairement une mode en vogue au IIIe s. ap. J.-C et la très grande majorité des découvertes provient de riches villae. La découverte récente de trois décors, la reprise d’ensembles encore inédits et le réexamen de trouvailles anciennes permettent d’établir une cartographie des découvertes et de proposer une classification des différentes mises en œuvre de ce style régional. Nous nous proposons d’analyser la manière dont sont réalisés ces décors, dans quels contextes ils sont retrouvés, et dans quelle mesure, ils constituent ou non une adaptation des décors de nymphée ou de fontaine connus dans l’Italie du Ier s.

En outre, l’analyse malacologique complète notre connaissance des processus de collecte, de sélection et de mise en œuvre des différents coquillages. Elle représente un cas inédit de détermination spécifique des coquilles composant ces décors. Par l’étude de la thanatocénose, de la taphonomie et de la biométrie, elle met en évidence des choix privilégiés dans l’emploi de certaines espèces et interroge aussi sur les lieux et modes d’approvisionnement des coquilles utilisées. Ces coquilles correspondent-elles à de la matière première locale, sont-elles utilisées pour décorer les murs des villas par des voies commerciales ou correspondent-elles au recyclage de coquillages consommés ? Ce sont autant de questions auxquelles l’archéomalacologie répond dans cet article.

 

Abstract

The west of Gaul presents a group of unusual decors: coatings with shells. inlays Similar decors are known in Italy and on other sites in Gaull, but they appear however much more numerous in Armorique. First, they seem different from the classic opus musivum : shells are the only elements of encrustation at the expense of the tesserae, Egyptian blue beads, pumice stone and locaille elements. Only some decors associate the stucco with shell inlays.

This decorative style marks clearly a fashion in the IIIe century AD and the very large majority of the discoveries comes from rich villae. Malacological analyses supplement our knowledge of the processes of collection, selection of shells. By the study of the thanatocenose, taphonomy and biometry, it highlights the choices of certain species and also questions on the way of acquisition of the shells used. Do these shells correspond to local raw material, to commercial goods or o they correspond to the recycling of consumed shells?