LA PART DE
MARCHE DE LA FRANCE DANS LE COMMERCE MONDIAL |
Une quasi-stabilité en 1999 La part de l'économie française dans le commerce mondial connaît un léger déclin, mais celui-ci n'apparaît pas comme significatif. La France demeure ainsi le quatrième exportateur mondial de marchandises. L'enjeu pour les entreprises françaises est toutefois de se positionner sur des secteurs d'avenir, et d'augmenter leur présence sur certains marchés étrangers - les marchés émergents notamment, qui disposent d'un fort potentiel de croissance. Un léger tassement La part de la France (en valeur) dans les exportations mondiales de marchandises est en léger déclin. Cette part de marché s'est établie, selon l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à 5,3 % en 1999. Bien que supérieure aux niveaux du milieu de la décennie 1980 (5 %), elle est en recul par rapport à 1990, où elle était de 6,3 %. Les parts de marché en valeur de l'ensemble des grands pays européens diminuent depuis 1990, tout comme celles du Japon, alors que les États-Unis gagnent un point sur cette période (voir tableau 1) et (graphique 1). La France est, dans ce contexte, demeurée le quatrième exportateur mondial de marchandises.
Le trompe-l'oeil des effets-prix L'évolution des parts de marché en valeur est toutefois un indicateur délicat à interpréter. En effet, l'évolution de la part de marché mondiale d'un pays reflète tout d'abord non seulement sa compétitivité intrinsèque, mais aussi la variation des prix des marchandises échangées. Ainsi :
Ces deux effets faussent la lecture de nos parts de marché en 1999 :
De ce fait, il est préférable d'employer un indicateur de parts de marché en volume (c'est-à-dire convenablement déflaté) et non en valeur, même si celui-ci ne peut être calculé que sur un nombre plus restreint de pays. Quasi-stabilité des parts de marché en volume En volume, l'évolution de la part de marché relative de la France est beaucoup moins heurtée qu'en valeur (voir graphique 2). La part de marché relative de la France en volume (par rapport à 24 pays de l'OCDE) est stable depuis 1990. Elle se tasse très légèrement en 1999 (de 7,9 % à 7,8 %). Elle se maintient ainsi à son niveau moyen des dix dernières années contrairement à la majorité des principaux pays de l'OCDE (léger recul pour l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, et très fort dans le cas du Japon). En revanche, les parts de marché en volume des États-Unis n'ont cessé de progresser au cours des années 90. Après un déclin très prononcé, les États-Unis ont récemment retrouvé des niveaux de parts de marché similaires à ceux du milieu des années 70. Mais si la performance française est meilleure que celle de nombre de concurrents, celle-ci doit néanmoins être nuancée. Même s'il prend en compte des concurrents comme la Corée et plusieurs pays d'Europe centrale et orientale (Peco), l'indicateur des parts de marché relative en volume de la France n'inclut pas certains pays émergents (Chine, Taïwan ou Malaisie, par exemple).
L'émergence de nouveaux concurrents Or ces pays prennent avec le temps un poids plus important dans le commerce mondial. La Chine s'est ainsi hissée au cinquième rang des puissances commerciales, si l'on considère l'Union européenne comme un ensemble (voir tableau 2). Un hypothétique indicateur de parts de marché en volume calculé sur l'ensemble du monde verrait de ce fait, très certainement, un déclin de la part de marché de la France, et un recul plus accentué de ses partenaires européens. Une faible érosion des parts de marché françaises, liée à l'émergence de certains pays en développement, est donc sans doute à l'oeuvre. L'émergence de nouveaux pays dans le commerce mondial est cependant un phénomène bienvenu. Alors que l'on s'interroge sur le creusement des disparités de revenu entre économies au niveau mondial, il montre que certains pays en développement peuvent, en suivant des politiques appropriées, rejoindre le niveau de prospérité des pays industrialisés. Ceux-ci sont aujourd'hui devenus de nouveaux débouchés pour les exportateurs français. Cette émergence a toutefois un impact sur les parts de marché françaises, puisque le développement plus rapide des échanges de ces pays ne peut tendanciellement que réduire l'importance relative des échanges de la France.
L'effet d'entraînement géographique Outre ces effets directs, la croissance plus rapide de certaines économies a également des effets indirects sur les parts de marché d'un pays. Celles-ci dépendent en effet de la dynamique des marchés vers lesquels il exporte ("l'effet d'entraînement") (1). Ainsi, une économie qui exporte principalement vers des régions à croissance faible voit mécaniquement diminuer sa part de marché mondiale. Comme le montre le graphique 3, les positions de la France sont surtout fortes sur un nombre réduit de régions du monde (l'Europe qui reçoit près de 70 % des exportations françaises, l'Afrique-Maghreb, le Moyen-Orient), dont la part dans le commerce mondial a régressé sur la décennie 90. Les régions les plus dynamiques ont été l'Asie, malgré la parenthèse de la crise de 1997-1998 (la région se détachait encore plus nettement sur la période antérieure), l'Amérique, voire les Peco depuis le milieu de la décennie. Le positionnement à l'exportation de la France est apparu en particulier moins favorable que celui de l'Allemagne (qui exporte plus que la France partout, sauf en Afrique), voire de l'Italie (plus présente en Amérique latine et sur les pays d'Europe centrale et orientale), comme le montre le graphique 4. Comme les zones vers lesquelles la France exporte de façon privilégiée connaissent des échanges moins dynamiques que la moyenne mondiale, la part de marché globale de la France tend à s'éroder. Au sein de l'ensemble des pays en développement, du fait des difficultés du continent africain, le phénomène est particulièrement net : la faiblesse de notre présence industrielle et commerciale sur les marchés émergents d'Asie et d'Amérique latine a provoqué un recul mécanique des parts de marché françaises. Cet effet d'entraînement explique l'essentiel de la baisse des parts de marché de la France sur les pays en développement (voir graphique 5). De façon plus conjoncturelle, l'effet d'entraînement explique en particulier les soubresauts de la part de marché française en 1997-1999. La faible présence de la France (part de marché de 2 %) avait été un atout durant la crise des pays émergents : la contraction des échanges asiatiques avait affecté de façon limitée les exportations de la France, tout en conduisant à une augmentation marginale de sa part de marché mondiale. La reprise de l'Asie en développement a aujourd'hui l'effet inverse : elle profite avant tout aux pays d'Asie eux-mêmes, au Japon en particulier, ainsi qu'aux États-Unis. Afin d'éliminer cet effet d'entraînement, il est possible par exemple d'examiner l'évolution des parts de marché élémentaires, c'est-à-dire pays par pays. L'analyse des données nationales fournies par les postes d'expansion économique montrent que la France a, en 1999, préservé ou accru ses parts de marché sur une moitié des principaux acteurs du commerce mondial (voir tableau 3). Mais il est délicat d'interpréter ces données sur une année seulement, en raison des fluctuations engendrées par le prix du pétrole pour les pays importateurs ou encore par les calendriers de livraison d'Airbus.
L'effet d'entraînement sectoriel L'effet d'entraînement géographique se double d'un effet d'entraînement sectoriel. Un pays qui exporte des produits dont la part dans le commerce mondial progresse voit, de façon naturelle, sa part de marché mondial augmenter. Les deux types d'effet d'entraînement peuvent être liés puisque, toutes choses égales par ailleurs, les produits importés de façon privilégiée par une région dynamique verront leur poids augmenter dans le commerce mondial. Si l'on répartit l'ensemble des produits exportés en trois catégories (secteurs en progression, secteurs stables, secteurs en régression) selon l'évolution annuelle moyenne de leur poids dans le commerce mondial pendant la période 1987-1996 (augmentation de 1% et plus, évolution entre - 1 % et +1 %, baisse de 1 % et plus), on constate que la France est placée de façon satisfaisante : elle vend une majorité de produits en progression, mais elle est un peu moins bien positionnée, par exemple, que certains pays d'Asie les plus dynamiques comme la Chine ou la Malaisie (voir graphique 6). Si la spécialisation géographique de la France est perfectible, du moins à en juger par les tendances de la dernière décennie, il en est donc de même pour sa spécialisation sectorielle. Une étude récente du CEPII confirme ce diagnostic (2) : par rapport aux autres pays européens, la spécialisation de la France est certes prononcée dans les nouvelles technologies, appelées à connaître une croissance rapide, mais ce résultat est dû surtout au secteur aéronautique. Ce constat fait dans l'industrie peut être étendu aux services, dont les échanges progressent un peu plus vite que ceux des marchandises. La position de l'économie française, traditionnellement forte, semble toutefois s'effriter dans ce secteur ; la Grande-Bretagne a en particulier supplanté la France en 1997 comme deuxième exportateur mondial de services (voir graphique 7 et tableau 4).
Les deux défis de la compétitivité La légère baisse des parts de marché françaises constatée au niveau global depuis dix ans ne reflète pas un problème de compétitivité au sens traditionnel du terme. Comme le montrent les indicateurs calculés par la direction de la Prévision, la compétitivité-prix de la France par rapport à ses partenaires est stable depuis le début de la décennie, tandis que la compétitivité-coût s'améliore (voir graphique 8). Comme nous l'avons vu, les effets-prix (variation des cours du brut et des taux de change) ont en fait tendance à biaiser les évolutions des parts de marché en valeur ; ils expliquent pour les deux tiers la diminution de part de marché observée en 1999, et pourraient à eux seuls provoquer une nouvelle baisse significative en 2000. Les effets d'entraînement, qui résultent du positionnement géographique et sectoriel de nos échanges, expliquent, quant à eux, les évolutions résiduelles. Le développement des investissements directs conduit, de façon plus générale, à relativiser la portée des comparaisons de parts de marché (voir encadré). Cela ne signifie pas que l'appareil exportateur français ne doive pas s'adapter. Si l'on prolonge les tendances de la période 1989-1999, l'effet d'entraînement dû à notre positionnement géographique et aux différences de croissance entre zones pourrait faire baisser la part de marché de la France de 5,3 % en 1999 à 4,9 % en 2009 ; la baisse serait encore plus soutenue si la période 1989-1996 (donc hors crise asiatique) était prise comme référence de l'extrapolation. L'enjeu pour les entreprises françaises est donc, à l'instar des producteurs américains ou asiatiques dans la dernière décennie, à la fois de se positionner sur des secteurs d'avenir et d'augmenter leur présence sur des marchés étrangers qui disposent d'un fort potentiel de croissance - au travers des exportations ainsi que des investissements directs. L'économie française est ainsi confrontée à une double "frontière" pour sa compétitivité : celle des nouvelles technologies et celles des pays émergents. L'ensemble du dispositif d'appui au commerce extérieur - appuis financiers, fourniture d'expertises par le réseau des postes d'expansion économique, négociations commerciales - est orienté vers ce double objectif. Mais il est clair que cette tâche est du ressort de l'ensemble des politiques publiques : aides à la création d'entreprise ; réforme de l'enseignement ; réforme fiscale... toutes les politiques qui contribuent à développer la compétitivité du site France.
(1)
En raisonnant sur des parts de marché en valeur, l'effet d'entraînement
incorpore également les effets-prix déjà mentionnés. |
© Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie - Août 2000